Fablab et handicap : une rencontre évidente ? avec My Human Kit
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Quand on veut s'intéresser à notre société numérique, en règle générale, on ne pense
pas immédiatement à tous les aspects physiques de la chose.
En même temps, lorsque nous y pensons, les premiers objets qui nous viennent en tête
sont souvent les ordinateurs ou les smartphones.
Les plus connaisseurs auront peut-être en tête les data centers ou même les câbles
sous-marins.
Pourtant, une partie de l'imagination numérique tente de relier dans un sens
deux fois utopique, deux fois dystopique, les numériques et les corps.
C'est dans cette optique que nous avons commencé à nous intéresser aux handicaps.
Même s'il s'agit d'un sujet souvent relégué au second plan, il existe un monde
qui travaille sous la manière de réparer ou d'augmenter les corps humains.
Au centre, on y trouve des Fab Labs, ces labos de bricoleurs qui mélangent entre
aide et création autour des projets open source.
Dans ce nouvel épisode, pour parler de ces sujets, nous avons eu le plaisir
d'échanger avec Nicolas Huchet, fondateur du Fab Lab My Human Kit, et Charlie
Dreano, directeur de l'association.
On vous a déjà parlé des Fab Labs.
Souvenez-vous ces espaces où s'exprime la créativité de chacun autour de projets
open source.
Dans ces tiers lieux, les personnes s'accompagnent et s'entraident à maîtriser les nombreux
outils présents, allant du micro-ordinateur à la découpeuse laser, et j'en passe.
Tony Vanpoucke, que nous avions reçu à l'époque, nous disait qu'il était courant
que les Fab Labs étaient une coloration, c'est à dire des spécialités ou des sujets
de prédilection.
Et My Human Kit, vous l'aurez compris, c'est axé sur le handicap.
Alors, on reviendra sur la genèse de l'association, et sur quel type de projet
Nicolas, Charlie et les bénévoles travaillent, mais pour faire simple, My Human Kit c'est
donc un lieu de créativité technique et technologique, ouvert comme tout Fab Lab,
qui s'intéresse particulièrement à la question du handicap.
Pour s'intéresser à cette question, c'est bête, mais il faut pouvoir se mettre
d'accord sur des définitions.
Alors, on a demandé à Nicolas, lui-même ayant perdu sa main droite dans un accident
de travail, son avis sur le sujet.
Pour moi le handicap c'est quelque chose qui nous ralentit un petit peu plus ou
moins dans la vie.
On a pour qui ça va être très très très fort, et il y a toujours aussi un élément
comparatif.
Si tu mets plein de personnes tétraplégiques, qui ont très peu de mobilité ensemble,
et bien en fait elles sont toutes à la même vitesse.
Donc c'est plutôt par rapport à la norme sociale, on va dire, d'aller vite
et gagner du temps, où je dirais que c'est vraiment le premier critère, c'est
qu'en fait on est moins, on est plus lent, on est moins rapide que le souhaiterait
la société.
Voilà.
C'est comme ça que je le traduis moi.
Bon, du coup l'handicap s'est défini en fonction d'une norme, et cette norme
n'est pas décidée au hasard, c'est la société qui la décide selon les choses
à elle plus importantes.
Pour faire un exemple un peu simpliste, si une société met au centre la production
des marchandises, bien évidemment tout ce qui nous ralentit est hors de la norme.
Et ce ralentissement peut être de n'importe quel type, et c'est pour ça qu'il
y a différents types d'handicap, cognitifs, physiques, etc.
Et même, si nous on reste dans l'handicap physique, il peut y avoir tellement
de types différents.
Du coup, face à toute cette variabilité, la question que je me pose est la suivante.
Quel type de projet sort des MHK, et comment, compte tenu de tout ça, ils arrivent
à créer des augmentations aussi différentes pour l'un et les autres et pour chaque
cas individuel ?
En fait, on n'a pas nous de préconçu, de dogme, en fait le principe c'est
d'avoir une porte ouverte, au moins une partie de la semaine, dans lequel
une personne handicapée vient et nous dit, en fait, moi, je rencontre cette difficulté,
j'ai cette envie-là, et du coup, par rapport à cette difficulté ou cette envie, j'ai
envie de me fabriquer tel objet où j'ai cette première idée.
Et nous, c'est à partir de ça que des projets naissent MHK, parce que cette
personne-là, elle va rencontrer des salariés de l'association, des bénévoles
de l'association, et c'est de là que va démarrer un projet.
Donc, en fait, le spectre de projet, ça va effectivement de la main
mineur électrique, qui est un des premiers projets de l'association, ça
passe aussi par une petite adaptation pour rattraper une fourchette, l'électrification
d'un fauteuil manuel, l'aménagement d'une rampe, le rehaussement d'une table
de cuisine chez quelqu'un, enfin voilà, c'est vraiment très divers.
Nous, notre entrée, elle n'est pas des types de handicap, des classes
d'âge, etc.
Notre accueil, il est inconditionnel.
Ça, on le revendique en disant, tout le monde peut venir à My Human Kit.
J'ai l'impression de voir les équipes et les bénévoles travailler à
My Human Kit, qu'on se pose pas trop la question du handicap.
En fait, l'intérêt, c'est plutôt de se poser la question de la
solution qu'elle a trouvée.
En fait, on se demande pas quel type de handicap, si le monsieur est plus
aveugle, moins aveugle que son voisin qui a l'air aveugle aussi, c'est
on va réfléchir à comment mettre une carte en 3D plutôt qu'en 2D
pour que chacun puisse la lire avec du relief.
Donc, c'est la difficulté, elle se loge plutôt dans la réalisation
des objets et pas tant dans la compréhension du handicap
de la personne qui arrive.
Parce que je pense qu'on se, c'est ce que Nico a voulu faire
avec le collectif quand on a fondé l'association, quand ils ont
fondé l'association, c'est de créer pas trop un espace de soins
et pas trop un espace comme beaucoup d'espaces autour du handicap.
On parle de ta maladie, plutôt un espace où on parle de ce que tu veux faire.
OK, là, je crois qu'on tient un truc intéressant.
Quand on est une personne valide, je pense qu'il est peut être difficile
de remarquer à quel point les lieux en lien avec le handicap
sont d'abord et avant tout des lieux de soins.
Et Charlie me fait remarquer que c'est pas du tout ce que ça
est d'être My Human Kit.
Au contraire, on a ici un lieu alternatif pour les personnes handicapées.
Cette connaissance du monde du handicap, Gu et moi ne l'avons pas.
Et par conséquent, certaines de nos questions
sont peut être infantilisantes ou sont teintées d'un validisme
que nous n'avions pas vu.
Nous sommes tombés dans le piège du point de vue médical de la question.
Pour nous, il était intéressant de se demander
comment des personnes qui n'ont pas d'expertise médicale
peuvent-elles travailler sur des objets en lien avec leur handicap?
Et si finalement la question avait été mal posée,
la réponse n'en est pas moins intéressante.
Excuse-moi de le dire comme ça, mais parce que du coup,
le regard, il n'est pas bon parce qu'en fait,
l'expert, il est la personne qui est en situation de handicap.
Et du coup, c'est elle qui dit en fait, je veux ça, je veux pas ça.
Il faut que ça marche comme ça.
Là, Nico pourrait en témoigner peut être en rebond,
mais c'est à ça qu'on s'attrape et c'est à ça qu'on est vigilants
avec les équipes et avec les bénévoles,
c'est de ne pas décider à la place de la personne.
Et c'est ce qui se passe parfois dans les parcours de soins
quand t'es handicapé ou même juste quand t'es malade.
Tu vas chez ton médecin,
t'aurais plutôt envie d'avoir un soin global.
Je sais pas qui t'envoie plutôt chez l'ostéo pour avoir un soin global,
mais il te prescrit 10 séances de kiné
juste pour traiter un problème au genou,
alors que le problème est peut être plus global.
Donc t'es souvent toi-même plus conscient de ce dont t'as besoin
que le parcours de soignants qui t'accompagnent.
Ça veut pas dire qu'on n'a pas besoin d'eux,
mais en tout cas, c'est My Human Kid,
c'est un espace où du coup, on te dit pas ce que tu dois penser.
T'es un espace où c'est toi qui l'exprime.
On voudrait casser ce rapport de sachant
qu'on a toute notre vie avec le prof, les parents,
le N plus 1 dans l'entreprise et tout,
et donc dans le secteur médical ou du handicap,
c'est le prothésiste, le médecin, l'infirmier ou l'aide-soignante
qui parfois, dans son rôle aussi,
de protéger la personne qui ait son expérience
et de fait de son métier de tout ce qu'elle a appris
et de l'école aussi,
de tout ce qui arrive parfois avec une posture
où elle sait un petit peu ce qui est bon pour toi.
Comme l'a dit Alex, notre point de vue peut être mal adapté aux questions d'handicap.
Du coup, si nous aussi, vu qu'on vit dans la norme
et pas dans la marge hors de la norme,
on peut avoir de mauvais angles sur les sujets,
j'imagine qu'on n'est pas les seuls.
Par exemple, même si les corps médicals
devraient être habitués à travailler avec l'handicap,
on peut aussi se dire que il et elle
ne sont pas nécessairement exontés de vivre dans la norme
qu'on discutait tout à l'heure, exactement comme nous.
On pourrait donc penser que l'ensemble de médecins, infirmiers, etc,
aient quelque chose à redire sur MHK.
C'est-à-dire une bande de bricoleurs fous qui testent des prothèses.
Est-ce qu'il y a de l'enthousiasme ou plutôt des conflits ?
Si il y a un championnat de foot et que tu es l'équipe amateur
et que tous les autres sont des professionnels,
ils ne vont pas se moquer de toi.
Ils vont dire « bah, continuez à vous amuser ».
Et donc, notre rôle, c'est d'être ce bac à sable,
de se revendiquer comme un étant pas professionnel.
Et c'est justement grâce à ça qu'on attire des personnes qui sont bricoleurs.
C'est un endroit où on peut venir un petit peu se plaindre de ce qui ne marche pas,
mais aussi un petit peu rêver de ce qu'on aimerait.
Moi, si je prends l'amputation,
je rencontre pas mal de personnes qui voudraient des fois juste une perceuse au bout du bras.
Et c'est sûr qu'on ne peut pas dire à notre prothésiste
« vous avez une perceuse ».
Ce n'est pas son métier.
Donc, nous, c'est de dire « bah, écoute, il y en a déjà trois qui m'en ont parlé.
Bon, ça ne se fait pas comme ça ».
Tu vois, c'est aussi de démystifier My Human Kid
parce qu'on a eu un moment donné, je pense,
on a été générateur d'espoir avec la main, imprimé en 3D.
Et on avait des demandes qui étaient impossibles à traiter,
mais on ne le savait pas nous-mêmes,
puisqu'on était dans cette euphorie et dans cet enthousiasme de dire
« oh ouais, il n'y a pas de limite, justement, il n'y a plus de barrière ».
Et on avait une personne qui arrivait avec deux jambes en moins
et on se disait « comment on va faire pour l'aider ? »
« oh ouais, on pourrait l'utiliser ».
En fait, quand je repense aujourd'hui, on s'imaginait des trucs,
mais c'était bien, on était naïf, en fait.
C'est bien aussi de passer par cette phase-là où tu crois que tout est possible
et que, bon, ça crée de l'espoir et puis en tout cas, ça met dans un élan, quoi.
Ici, Nicolas me dit quelque chose de fondamental pour moi.
Avec un regard un peu naïf, on pourrait imaginer un lendemain dans un futur proche
où il serait possible de réaliser une utopie.
Des Fab Labs capables de créer des prothèses
adaptées aux besoins de chacun et chacune
pour tous les types de corps et rapidement.
Un véritable laboratoire d'augmentation humaine digne d'un film des science-fictions
dans lequel nous pourrons nous réparer rapidement et sans problème.
Bon, ça, c'est clairement un horizon difficile à atteindre.
Mais on le verra plus tard, à My Human Kit,
il bosse un peu sur cet idéal quand même.
En tout cas, comme Nicolas l'a rappelé, cette main bionique,
elle a été génératrice d'espoir.
Alors, on lui a demandé de nous raconter un peu cette histoire.
Qu'est-ce qui peut bien se passer dans la tête de quelqu'un qui se dit
« tiens, si je me réparais moi-même ? »
C'est le mélange de déception, frustration, d'impasse un peu dans mon parcours de vie.
J'approche la trentaine, je n'ai pas trop d'avenir.
Donc, je suis un peu désespéré quoi.
Et j'ai cette prothèse qui tombe en panne
et il y a des nouvelles prothèses du coup qui coûtent cher et tout ça.
Donc, il y a cette frustration un peu.
Ça, c'est le premier élément moteur.
Et le deuxième, c'est la rencontre avec les Fab Labs.
Et donc, il y avait le Fab Lab de Rennes que j'ai découvert par hasard.
Et quand j'ai vu l'imprimante 3D, je leur demande justement
si on peut faire des marobots avec ça quoi.
Et je suis tombé sur une bande d'illuminés, si je peux dire ça comme ça,
mais un peu des joyeux geeks très humains qui sont dit « pourquoi ? »
Quand ils ont vu la prothèse, ils ont dit « mais comment ça marche ? »
Et puis en fait, on a parlé de ça, on a parlé de ça.
Et puis après, on est allé sur Internet.
Et puis c'était des passionnés en fait, c'est comme ça que j'ai...
En l'espace de dix minutes, j'ai découvert qu'on pouvait télécharger
des objets en 3D sur un ordinateur, qu'on pouvait les imprimer.
Parmi tous ces objets, il y avait une main robot
et que les plans étaient open source et que le défi,
ce serait de la fabriquer au Fab Lab.
Et donc, en l'histoire de dix minutes, c'était plié quoi.
Ça y est, j'ai un objectif dans la vie.
C'est un jour, c'est que ce truc-là, ce soit concret.
J'ai compris qu'on pouvait imprimer des 1D, qu'on pouvait imprimer des trucs.
Ça, c'est ma robot.
Si un jour, je fais ça, c'est bon.
Voilà, c'est parti avec cet objectif-là.
Et c'est comme ça qu'est née aussi l'idée de ne pas juste imiter une prothèse homologuée,
mais bien de proposer des alternatives réellement utiles.
Il y a ce truc qui existe, que les mains électriques, muo électriques.
Donc c'est une main électrifiée, motorisée,
qui bouge grâce à l'impulsion des muscles du moignon.
Et c'est en mettant des petites électrodes en contact avec la peau
qui fait qu'en contractant le muscle, on fait bouger la main.
Donc c'est le principe de fonctionnement d'une prothèse muo électrique.
Et c'est vrai que ça, si tu veux, pour pas mal de prothésistes,
c'est l'outil parfait parce que ça ressemble à une main.
Ça donne de l'autonomie.
Et donc, pour un amputé, ils vont lui proposer ça.
Avant, il n'y avait pas ces prothèses muo électriques.
Ça date vraiment des années 80, 90 où ça a commencé.
Avant, ça existait sous forme de prototype.
On va dire dans les années 70, c'est à ce moment-là que ça a été inventé.
Mais le temps que ça arrive, il s'est passé une bonne décennie.
Donc moi, en 2002, par exemple, dans les années 2000,
il y avait un modèle de prothèse muo électrique.
Il n'y en avait qu'un et qu'une main.
Elle était longue, elle avait une vitesse constante, c'était dégueulasse.
C'est pour ça que j'étais très déçu.
Mais avant ça, avant qu'il y ait ces mains fonctionnelles et esthétiques,
il y avait une simple pince de travail.
Et puis c'était beaucoup des manuels qui perdaient leurs mains
ou alors des gens pendant la guerre.
Donc c'était plutôt des hommes, bricoleurs.
Donc on leur donnait une pince de travail
pour qu'ils puissent retourner travailler dans les champs ou à l'usine, etc.
Le côté fonctionnel, en fait, c'était le côté fonctionnel qu'on recherchait.
Donc ces solutions-là, si tu veux, qui ne sont ni une main,
qui ne sont pas une main et qui ne sont pas électriques,
ça existait déjà, ça existe déjà.
Sauf qu'avec le toucno-solutionnisme où on croit que ça c'est mieux,
effectivement, dans la tête des gens,
on se dit que c'est quand même mieux d'avoir une main électrique.
Et les prothésistes, c'est ce qu'ils pensent.
Et bien nous, en fait, à My Human Kit,
en ayant cette liberté justement d'agir et de se réapproprier
sous handicap,
moi j'ai pu formuler la demande de dire,
en fait, un couteau, c'est chiant, on ne peut pas cuisiner avec une prothèse.
Voilà, je ne peux pas raper mes carottes,
je ne peux pas, tu vois, je voudrais couper de l'ail en fait,
je voudrais sentir les légumes.
Donc on téléporte le couteau à la place de la prothèse.
Et ces solutions-là qui existaient, qui sont très coûteuses,
j'allais pas, moi, jamais de ma vie,
j'achèterais un couteau protéthique à 200 balles,
je n'ai rien à foutre en fait.
Tu vois, mais ça existe, mais comme c'est un truc normalisé qui...
Donc aujourd'hui, nous on a inventé ça.
Et c'est vrai qu'on peut travailler,
on peut personnaliser avec les personnes.
Là, ça fait quand même deux personnes amputées d'une main
qui, elles, elles ont un besoin, c'est de pouvoir s'attacher les cheveux.
Et ça, ça n'existe pas, si tu veux, le truc, donc.
Bah, on invente un truc pour s'attacher les cheveux.
Moi, mon truc, c'était la batterie.
Voilà, bah, je pense qu'on a la meilleure baguette protéthique du monde
parce que c'est la plus léger,
enfin, ça a du rebond,
moi, j'ai regardé tous les trucs qu'il se faisait,
franchement, on a le meilleur truc.
Et voilà, on fait des solutions sur mesure
des choses que ne pourra pas faire la prothèse.
Effectivement, on offre des possibilités qui n'existaient pas.
C'est évident pour les PSH,
mais peut-être un peu moins pour nous.
Certains et certaines PSH
ne souhaitent pas forcément rentrer dans la norme,
c'est-à-dire retrouver une main dans ces cas.
Parfois, les inconvénients l'importent sous les avantages.
Et la chose la plus importante
semble être de retrouver une fonctionnalité spécifique
qui leur est chère.
Les PSH ont souvent plusieurs prothèses pour différents usages.
Mais la voix de Nicolas s'est remplie d'émotions
quand il décrit tous les choses qu'on peut faire
avec ce prothèse et tous les types de prothèses.
Et c'est là qu'une question s'impose.
Mais si la norme existe dans les corps,
ça doit exister aussi pour les prothèses, non ?
Je veux dire, c'est pour ça qu'il y en a une tonne
de réglementations et de lois
pour réguler tous les produits qu'on a en vente.
Mais comment ça marche dans leur cas ?
Je veux dire, si j'achète une prothèse,
ça doit être homologué.
Mais du coup, si je me la fais moi-même dans un Fab Lab,
c'est OK, il n'y a pas de souci.
C'est un métier, en fait, d'homologuer l'homologation.
Nous, on fait tout un travail qu'on appellerait de la R&D
si on était en entreprise.
On fait une R&D collaborative.
Donc si je prends l'exemple de la prothèse
ou de la motorisation des fauteuils,
on fait tout un tas de développement
qu'on fait par la voie collaborative
qui fait qu'on n'a pas à faire appel
à des investisseurs ou emprunter de l'argent à la banque
en montrant des bulletins prévisionnels,
des bilans prévisionnels qui disent que dans six ans,
on aura vendu tant d'appareillages
et qu'ils seront remboursés
et qu'eux-mêmes, on fera même un super rendement
qui fait qu'on va générer du profit
et qu'on sera une entreprise lucrative.
Donc ça, ça nous permet ça.
Et avec toute la difficulté de trouver du coup
des bénévoles, des partenaires.
Donc ce n'est pas mieux que ce qui existe en vrai.
Par contre, tu te les fabriquais
et puis c'est vraiment accessible.
Ça a coûté, aujourd'hui ça coûte zéro d'ailleurs.
Mais on a besoin par contre du retour des utilisateurs
qui eux utilisent ces trucs du commerce
et qui disent, ah mais il y a ça sur le truc du commerce
que vous n'avez pas.
Et franchement, je pense que c'est pas grand chose
ou ça pourrait vous faciliter la vie.
Enfin, on a besoin de ça quoi.
Quand Nicolas nous raconte son expérience
avec sa main mio électrique,
on comprend que l'existence même de My Human Kit a du sens.
Après tout, il n'y a que Nicolas
qui peut se rendre compte de ce que Nicolas a besoin.
Enfin, ça, c'est ce que je me suis dit
en écoutant son témoignage
qui souligne un certain manque d'inclusion
dans les équipes en charge de produire ces aides techniques.
Les personnes concernées ne sont pas incluses
dans le développement des prothèses de main pour amputer.
C'est clair.
Parce que le premier critère de rejet de prothèses, c'est le poids.
En fait, à partir du moment qu'une prothèse est lourde,
on ne l'apporte pas.
Et elles sont toutes super lourdes.
Donc, enfin, je ne dis rien.
Après, les tout derniers modèles, ils font vachement de bruit.
Ça tombe toujours en panne.
Enfin, je veux dire, il y a un truc qui ne colle pas.
Donc, maintenant, j'ai compris comment ça fonctionnait.
On invente un produit, on fait du marketing pour dire qu'il est génial.
Et puis, ça donne envie aux gens de l'avoir.
Et puis, une fois qu'ils l'ont, ça tombe en panne.
Mais comme ils n'ont rien testé d'autre,
ils se disent que c'est comme ça, que c'est la faute à la pas de chance, quoi.
Mais...
Il n'y a probablement aucune personne qui a été intégrée
dans toutes ces démarches de la création au marketing.
En tout cas, ça change.
Enfin, ça change.
Et en fait, qui n'ont pas été intégrées et incluses,
c'est parce que la place de la personne handicapée dans la société,
c'est une personne fragile.
Tu vois, donc, elle ne va pas se sentir capable comme ça de dire
« Moi, j'ai envie de participer à votre programme de R&D. »
D'ailleurs, moi, avant même My Human Kit, je les contactais, ces labos.
Bah oui.
Et ils me disaient « Ouais, tu peux passer. »
Mais en fait, ils s'en foutaient un peu.
Moi, je pensais que les mecs, ils allaient me dire
« Putain, mais ouais, génial, tu vis en Italie,
mais attends, on te garde cinq jours, on va faire des trucs. »
En fait, combien de temps tu restes ?
Une nuit, bon, on va voir ce qu'on peut faire.
Alors qu'en fait, j'ai leur putain de cobayes, je ne comprenais pas.
Et là, on entend la lassitude dans la voix de Nicolas.
De la lassitude envers le monde industriel et médical
qui, on se doute, doit être partagé par les membres de son Fab Lab.
Autour de moi, cependant, je constate un intérêt croissant pour les sujets.
Pour donner deux exemples, de plus en plus,
je vois préciser si un événement est accessible à un PMR ou pas.
Ou un autre exemple, dans le monde du jeu vidéo,
on en parle de plus en plus, avec certains jeux qui ont de menus accessibilités.
Soyons clairs, nous sommes très loin d'un monde qui met aussi les PSH dans la norme
et que, du coup, ça devient vraiment accessible pour EEL.
Mais je me demande s'il y a eu des avancées au cours des dernières décennies,
au moins sous les plans technologiques.
Les choses, elles évoluent très vite, en tout cas, je trouve, avec le numérique.
Parce qu'aujourd'hui, t'as un Google Home ou je sais pas quoi,
tu parles à ton smartphone, tu fermes tes volets.
Enfin, faut quand même savoir qu'il y a 10-15 ans,
fallait faire venir une entreprise externe pour connecter tes volets
à un appareillage que tu allais mettre sur ton fauteuil
pour fermer toi-même tes volets le soir.
Aujourd'hui, tu dis ferme les fenêtres.
D'ailleurs, il y a des gens qui viennent à My Human Kit,
qui viennent expliquer comment tu connectes ton smartphone à des volets roulants
avec une application open source sans passer par le Google Home, etc.
Franchement, c'est un truc quand même de dingue, quoi.
Quand je vois une quadruple amputée qui achète une Tesla,
je suis anti bagnole comme ça,
mais qui me dit, en fait, c'est la voiture la plus adaptée pour moi.
Parce que regarde la poignée, regarde le truc.
Il y a 10-15 ans, un quadruple amputé pour reconduire,
ça aurait pris trois ans, je sais pas, de trouver la bad bagnole,
de machin, alors on va prendre une boîte auto.
Enfin, je veux dire, c'est quand même aujourd'hui les boîtes automatiques,
il y en a plein. Et d'un autre côté,
il y a le problème qui est la miniaturisation des objets
qui fait que c'est plus compliqué à manipuler.
Voilà, ça, c'est un truc.
Au niveau de l'intelligence artificielle, c'est génial.
En fait, moi, ce que j'observe au niveau de ma propre expérience,
c'est que tout ce qui est soft,
ça va à une vitesse de dingue et là où ça freine par contre
et où ça va de plus en plus lentement, parce que justement,
on met tout dans le soft, c'est le hardware.
Donc, par exemple, je vois bien dans la mentalité des ingénieurs,
quand ils parlent de prothèses, ils me disent,
on peut mettre du deep learning et de l'IA.
Et puis, si on mettait un autre moteur et tout.
Et maintenant, en fait, mécaniquement, il faut que ce soit costaud.
Il n'y a plus de boutons maintenant, il n'y a plus de boutons.
Il n'y a plus de boutons nulle part.
Les téléphones, il n'y a pas de boutons.
Il y a une tablette, il n'y a pas de boutons.
Donc, en fait, on transforme tout en écran, en reconnaissance vocale,
en machin et tu ne sais pas en fait si c'est on ou off.
Il faut qu'il y ait la petite lumière qui te le dit.
Tu vois, ça, c'est des barrières d'accessibilité un petit peu.
Mais je ne sais pas si tu prends un empli
hippie de l'époque, il fallait quand même
assez de force dans le doigt pour appuyer sur le bouton.
Tu vois, donc, je ne sais pas un retour en arrière.
En fait, ce n'est pas mieux ni pire, il y a les deux.
Et aujourd'hui, le mec, il rentre chez lui, il dit,
allume, mets moi le morceau, mets moi
Khruangbin, Texas Sun et paf, il te joue le morceau que tu voulais.
Alors qu'avant, fallait appuyer sur la chaîne, brancher le câble.
Tu vois, tous ces trucs quand même qui fait suivant les handicaps,
en fait, ça change tout.
C'est hyper différent.
Moi, je vois, tu vois, j'utilise du Apple.
C'est les seuls qui font encore des téléphones
qui ne ressemblent pas à des férrars passés.
Tu vois, moi, je ne peux pas tenir à deux mains un téléphone
et je n'ai pas envie, voilà.
Et puis, et puis deuxième truc,
je transfère de mon ordinateur, l'ordinateur aussi.
Et l'ordinateur aussi, c'est ça.
Parce que moi, je prends beaucoup de photos,
je fais beaucoup de vidéos, des trucs comme ça.
Je n'ai pas, franchement, mais brancher un câble
pour mon ordi, pour le c'est, il faut les deux mains.
Enfin, c'est compliqué pour moi, comme je le fais souvent.
Et en fait, je vais abîmer le câble,
je vais abîmer l'ordinateur ou le téléphone.
Donc, il y a ce truc là de air drop là.
Alors là, tous ces discours me fait comprendre que même
si on avait déjà discuté la variabilité de l'handicap,
moi, je n'avais pas réfléchi à tous les reflets
après qu'il pourrait y avoir.
Pourtant, tout est logique.
Les ingénieurs qui se focalisent sur les softwares,
les désignent comme clé pour l'accessibilité.
L'exemple de la disparition des boutons.
Certes, il y a le fait que je ne connais pas personnellement
ces mondes là, mais ce qui me surprend le plus,
ce sont tous les détails liés à l'évolution de la technologie
et à la manière dont elle s'adapte ou non,
accidentellement, aux différents types d'handicap.
Si l'autopie d'un fab lab capable d'augmenter les corps
en toute situation n'est peut-être plus l'horizon de My Human Kit,
j'ai pensé heureusement qu'une de leurs forces est de montrer
ce qui est possible si les PSH sont mis au centre
et d'où indiquer une voie différente à la conception de la technologie.
Bon, honnêtement, on était déjà un peu convaincu par le projet
en contactant Charlie et Nicolas.
Mais à ce stade-là, l'interview,
le projet nous semble être une nécessité au vu de son impact social.
Alors on a demandé est-ce que c'est possible d'imaginer
My Human Kit partout, dans toutes les villes, par exemple.
Oui, oui, nous on l'imagine en tout cas, ça existe en fait.
Il y a des initiatives portées par des acteurs, des actrices sur des territoires.
Il y en a à Lyon, il y en a à Montpellier, il y en a à Laval.
Là, j'avais un coup de téléphone tout à l'heure avec quelqu'un
qui était au nord-ouest de la Bourgogne-Franche-Comtée,
qui avait déjà un fab lab, qui faisait déjà des projets autour du handicap
et qui me demandait comment il pouvait rejoindre ce réseau.
Donc aujourd'hui, le Human Lab, c'est un label en fait.
Il y a des structures qui sont labellisées pour reporter les valeurs qu'on porte,
pour essayer de les faire vivre sur des territoires.
En gros, c'est un lieu ouvert dans lequel...
Enfin, ce n'est pas un lieu que pour les handicapés,
ce n'est pas un lieu que pour les valides qui bricolent pour les handicapés,
c'est un lieu où les gens se rencontrent.
Donc voilà, ça c'est l'ouverture, la mixité,
la fabrication de projets ou de supports pour des personnes
en situation de handicapé avec ces personnes-là
et la documentation de ces fabrications-là.
Ça, c'est les trois engagements qu'il faut prendre
quand tu veux revendiquer ce label-là.
Donc en fait, on essaie d'essayez ce projet-là
pour qu'il puisse servir au plus grand nombre, voilà.
C'est ça l'enjeu, c'est qu'il y a un maximum de gens
en situation de handicap qui peuvent trouver une solution
dans un lieu comme ça et il y a un maximum de gens
bénévoles, de bonnes volontés qui pourraient avoir envie
de contribuer à ces lieux-là.
Voilà, ça c'est notre envie.
Après, ça nécessite qu'en face, il y ait des gens qui...
aient de l'argent et qui disent
OK, je veux que sur mon territoire,
il y ait un lieu comme ça qui s'installe.
C'est ça l'enjeu.
Après, je pense que sur un territoire,
le truc n'est pas extensible non plus indéfiniment.
Tu vois, nous, aujourd'hui, on a une quarantaine de projets,
50 projets par an.
Il y a une équipe de deux, trois salariés
qui sont vraiment dédiés à l'accompagnement de ces projets-là.
C'est une dimensionnement de projet
qui correspond bien au territoire Rennes-Métropole.
Voilà, après, si on voulait...
C'est ce qu'idéalement, tu vois, par exemple,
à l'échelle de la Bretagne, ce serait bien qu'il y ait
au moins un Human Lab par département en Bretagne
qui puisse drainer les demandes de ces gens-là
sur ce territoire-là.
Et si un jour, on avait un Human Lab par département en France
et dans les Outre-mer, ce serait super.
Bon, je m'attendais pas à commencer la troisième saison
de manière aussi positive, mais allons-y.
Développement un peu partout de My Human Lab
ou plus généralement, si les travails sous les handicaps
ne vous conviennent pas, d'où le Numérique par les bas.
Enfin, il y a quand même un dernier thème
qui nous a suivis un filigrane tout au long de l'interview
et qui on l'a déjà vu dans d'autres épisodes.
Est-ce que, par hasard, MHK a une approche de Numérique
qui s'apparente plus à de l'éducation populaire ?
C'est l'essence même de MHK.
On est dans une société où il faut changer le regard sur le handicap
et c'est comme de dire aux gens de rouler moins vite.
Si tu leur donnes des bagnoles rapides,
si on veut vraiment que les gens roulent moins vite,
on les éduque et on leur dit qu'il n'y a pas besoin d'aller vite.
Et en fait, ils se disent que oui, j'ai pas besoin.
Donc, là, plutôt que de changer le regard sur le handicap,
c'est pareil de dire aux gens qu'il faudrait rouler moins vite
alors qu'ils ont des grosses bagnoles.
C'est de se dire qu'en fait, j'ai plus besoin d'essayer
de changer le regard sur le handicap
parce que j'ai changé le regard que j'ai sur le mien.
Donc maintenant, ce que vous pensez, ça ne me fait plus rien.
Je n'ai pas besoin de vous changer et vous êtes comme vous êtes.
Et en fait, les gens, quand ils te voient comme t'es,
ils se posent plus justement en même temps,
tu vois, comme par magie, il n'y a plus ce truc.
Ah, la personne handicapée, il n'y a plus ça.
En fait, on est prisonnier du regard des autres
et on est prisonnier de nous-mêmes
et on croit qu'en changeant les autres, ça va nous libérer.
Je le dis un peu à ma manière, quoi,
mais alors que si tu t'assumes, tu te libères.
Je ne sais pas, j'utilise ce terme là,
mais si tu justement,
et donc tu te libères en en faisant de ton problème ta solution,
c'est ce qu'on lui dit souvent aussi.
Voilà, donc ton problème, en fait, c'est ta solution.
Et ça te permet de te libérer d'un truc
qui est justement ce fameux regard des fois
qui est pas facile à apporter.
Merci à Nicolas Huchet et Charlie Dreano
d'avoir pris le temps de répondre à nos questions.
On est très heureux d'avoir pu inaugurer cette saison 3 avec eux.
Pour les retrouver et découvrir leur projet,
on vous invite à taper My Human Kit sur vos réseaux préférés.
Cette saison 3 signe aussi pour nous notre arrivée sur Radio Grenouille.
Alors vous qui nous écoutez sur la bande FM,
on espère que cet épisode vous aura plu.
Si au contraire, vous êtes plus podcast,
n'hésitez pas à nous laisser des étoiles et des commentaires,
ça nous permettra de nous améliorer.
À bientôt pour la suite en podcast ou sur Radio Grenouille.
==/ Sous-titres générés avec IA (Whisper), editing et proofing par Guglielmo Fernandez Garcia /==
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