Exclusion et numérique : un lien inattendu ? avec Guillaume Senechal d'Entourage
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Parmi les fantasmes associés aux numériques, il y a certainement celui de progrès dès
la richesse.
Posséder ou non les derniers gadgets numériques est souvent considéré comme un marqueur
de modernité, et que les autres besoins, nourriture, logement sont déjà satisfaits.
En fait, à y regarder plus près, les numériques a pénétré tous les aspects
de nos vies, et cette vision est peut-être un peu dépassée, à l'échelle personnelle
pétant vraiment ces passés de numériques aujourd'hui.
En tout cas, beaucoup de nos besoins fondamentaux, qu'on le veuille ou non,
passent aujourd'hui par des chemins numériques.
Avoir accès ou pas à certains outils technologiques, ou même être capable de les utiliser, nous
inscrit dans un certain rapport au monde actuel.
Ça, on peut par exemple l'observer sur un type de population, en particulier,
les exclus, les SDF, les exilés, celles et ceux qui vivent à la marge.
Si on ne réfléchit pas, on pourrait penser qu'il est numérique jouant un rôle
secondaire dans la vie de ces personnes, mais comme nous le verrons aujourd'hui,
c'est beaucoup plus intéressant.
Et d'ailleurs, leur rapport au numérique nous en dit par réflexe beaucoup sur nous aussi.
En France, depuis 2014, il existe une association, fondée par Jean-Marc Potdevin, appelée
Entourage.
Leur but est d'éluter contre l'exclusion des gens à la marge, impassant aussi par
le numérique.
L'association fait beaucoup de sensibilisation, mais a aussi développé trois applications
Entourage Locale, Pro et Sport.
Avec Guillaume Senechal, responsable communauté de l'antenne Marseillaise
d'Entourage, on discute de précarité et de matérialité du numérique, des personnes
exclus et du rôle qu'essaye d'avoir entourage dans tout ça.
Ok, je lance Azerty
De l'extérieur, c'est assez simple de penser que les besoins d'une personne
exclue ou à la marge sont d'abord des besoins dits fondamentaux, comme avoir
un poids sur la tête ou de quoi manger.
C'est d'ailleurs sur ces besoins vitaux que se concentre une importante
partie du travail des associations de terrain.
Mais l'un des besoins primaires de l'humain, c'est aussi le besoin de
lien social, et c'est là-dessus que se concentre le travail d'entourage.
Comment créer du lien entre personnes exclus socialement, et même y inclure, pourquoi
pas, des personnes plus intégrées dans la norme sociale ? Comment faire ça sans
que ce soit bizarre ? Comment créer une communauté autour de la réponse à ce
besoin ? Et ben Entourage, notamment Entourage local, c'est une tentative
de répondre à ces questions justement, à travers une application qui amène à
rencontre physique lors d'événements par exemple.
Cette volonté est louable, mais d'office, quand j'entends cette description, j'imagine
déjà quelques avis en réaction, souligné à quel point le numérique est
quelque chose qui nous isole d'abord. Et puis ce qui m'intéresse aussi, c'est
la question du public, à qui s'adresse cette application ? Qui sont les
personnes qui sont en mesure de participer, de s'inscrire dans cette
communauté ? Entourage s'est créé vraiment sur cette thématique de
personnes exclus, sans abri, SDF. Aujourd'hui, on est vraiment en train de
s'ouvrir à beaucoup, beaucoup d'autres typologies, entre guillemets, de personnes.
On va aller vers les réfugiés, les mineurs isolés, on va aller vers les
femmes célibataires, voilà, avec très peu de moyens, etc, etc. Le projet
et la ville, l'état de la société aujourd'hui nous montre qu'on doit
aller, entre guillemets, un petit peu plus loin. Nous déjà, là-dessus, c'est
quelque chose qui m'a un petit peu changé sur les personnes qui ont
besoin. La deuxième chose, et c'est en lien avec ça, et je pense que tu
as dû t'en rendre compte et que tout le monde a pu s'en rendre compte
aujourd'hui, c'est qu'en fait, quand par exemple, on organise un événement,
finalement, ce qui va changer, ce n'est pas tant l'historique des
personnes, d'où elles viennent, leur situation, c'est plutôt leurs
besoins ou non de s'inclure et de rencontrer du monde.
Donc, la dernière pétanque, c'est des événements qu'on propose
assez simple, où le but est vraiment de se rencontrer.
On avait aussi bien un étudiant réfugié ukrainien qui avait une
famille et des moyens, mais simplement qui avait dû partir et qui
avait dû rencontrer du monde, des étudiants d'une école de
commerce, dont un nigérian et un coréen, qui venaient d'arriver et
ils avaient envie d'en savoir un peu plus et de rencontrer du monde,
des personnes qui aiment la pétanque et qui se sont dit autant
le faire dans un cadre solidaire et d'autres personnes qui souffrent
de précarité, des personnes qui n'ont nulle part où aller le soir
ou d'autres qui sont accompagnées.
Ça, c'est la deuxième chose, c'est qu'on voit que finalement,
les personnes qui ont besoin de l'insocial, ça va au-delà de ce
qu'on peut imaginer, c'est-à-dire, je suis dans une situation,
j'ai des moyens et je veux accompagner ou je suis à la rue
et j'ai besoin d'être accompagné.
En fait, c'est un autre marqueur.
Si vraiment on revient tout de même sur la majorité des personnes
qui souffrent d'absence de lien social, de précarité, etc.,
c'est quand même une partie des personnes.
Nous, c'est un premier temps sur comment on va les chercher.
On fait des permanences dans des structures sociales et on
nous des partenariats avec des structures qui travaillent avec ces
personnes pour aller les connaître, leur donner confiance et les inviter
à rejoindre nos programmes sur la typologie entre guillemets de public
et de personnes. C'est vrai qu'on a encore aujourd'hui du coup,
puisqu'on est seulement en train de s'ouvrir, un public majoritairement
précaire qui a vécu à la rue ou qui est accompagné, on va dire.
On a ces personnes-là, c'est malgré tout essentiellement des hommes
aussi et là-dessus, c'est quelque chose qu'on veut essayer de changer.
Aujourd'hui, la précarité des femmes est quelque chose qui...
Le fait d'être une femme, entre guillemets, pousse encore plus à la précarité.
Une fois qu'on se retrouve dans cette situation, notre genre va encore plus,
entre guillemets, jouer contre nous.
Donc voilà, aujourd'hui, il y a ce public-là essentiellement composé d'hommes
sans abri SDF, ou en tout cas dans des situations d'exclusion,
avec généralement peu de moyens, mais pas uniquement.
Un peu de vocabulaire d'abord.
Guillaume nous explique qu'un sans abri est une personne
sans domicile fixe au sens strict.
J'ai rien la nuit pour m'abriter.
Un sans domicile fixe au SDF, quant à lui, est passé par des phases
des sans abrisme, mais aussi aller chez un ami, dans une structure
dédiée, revenir à la rue.
Dans un cas, il s'agit d'une situation inscrite dans les temps,
dans l'autre, c'est plus compliqué.
J'ai dû dire que ce sont des sujets que j'ai connu relativement peu.
Et au début de l'entretien, j'avais un peu peur d'imposer
involontairement des jaugements, une morale à un type de personnes
sur lesquels les poids morales et les regards des autres est déjà fort.
Finalement, je ne sais même pas quels sont leurs besoins réels.
Et à cet égard, nous avons essayé de comprendre avec Guillaume
comment Entourage s'assure que l'application répond à leurs besoins
et pas à ce besoin que nous pourrions projeter sur ces gens là.
L'application, en fait, elle va permettre évidemment
que c'est un outil, évidemment que ce n'est pas une fin en soi,
évidemment que ça remplit une mission, mais ça n'en remplit pas d'autre.
C'est vraiment complémentaire à tout ce que nous on peut faire en physique
et tout ce que d'autres structures, évidemment, font en physique.
En soi, elle ne pourrait pas être unique pour répondre
à tous les besoins des personnes qui la nécessitent.
Là où nous, on engage des personnes et là vraiment,
du coup, on va parler des personnes qui peuvent avoir un téléphone
dans un premier temps, c'est que grâce à cette application,
elles vont pouvoir directement entrer en contact
avec des personnes physiques, privées ou des associations
sans passer via un relais.
Ça, c'est une des premières choses aujourd'hui, le téléphone.
Heureusement, malheureusement, mais c'est un des rares objets,
en fait, qui va pouvoir relier et connecter tous types de personnes.
Et là, on peut parler en fonction des situations,
mais on veut parler à travers le monde.
Aujourd'hui, tout le monde a ou doit avoir un téléphone public.
Et quand je dis doit avoir, évidemment, des personnes n'en ont pas.
Mais pour plein de raisons qu'on verra, tout le monde doit en avoir.
Nous, ce qu'on invite à faire, c'est à dire
grâce à ce téléphone, tu vas acquérir une certaine autonomie.
On va vraiment et on pourra voir travailler là dessus.
On traduit dans beaucoup de langues l'application.
Il y a plus de 200 comptes aujourd'hui qui sont dans des langues étrangères.
Il y a l'arabe depuis peu, par exemple.
Et ensuite, on va aussi aller vers les structures et les associations
pour, elles, les former à l'utilisation de l'application,
parce qu'elles peuvent aussi l'utiliser pour des personnes
qui ne vont pas avoir de téléphone, mais aussi, elles,
pour aller publier leurs événements, chercher des personnes
qui pourront en avoir besoin.
C'est vraiment un outil qui va donc pouvoir servir à une personne isolée,
soit en direct, soit grâce à l'accompagnement
d'un citoyen ou d'une structure qui elle aussi va pouvoir utiliser cet outil.
Quand j'ai téléchargé l'application pour la tester,
je suis tombé sur un article puisqu'il propose aussi
de chouettes articles sur l'appli qui remettaient en question
la pyramide de Maslow, aussi appelée la pyramide des besoins.
Cette pyramide, elle hiérarchise les besoins des individus
et elle repose sur l'idée que les besoins fondamentaux
doivent être satisfaits avant que les individus ne puissent
se concentrer sur des besoins plus élevés.
Dans l'ordre de la base, au sommet, on a les besoins physiologiques,
de sécurité, d'appartenance, d'estime et d'accomplissement.
Cette pyramide, elle a évidemment été vivement critiquée
depuis sa création en 1943,
mais il n'est pas rare de l'avoir encore utilisé
comme grille d'analyse pour certaines situations,
puisqu'elle est assez accessible.
Instinctivement, par exemple, on pourrait se dire que
pour une personne à la rue,
le besoin d'appartenance passe après les besoins physiologiques
et les besoins de sécurité.
Mais le smartphone, alors, s'inscrit-il dans cette pyramide ?
Aujourd'hui, toi comme moi, on est, au-delà du fait qu'on est dépendant,
c'est qu'on met tout en place, malgré nous,
pour qu'on utilise un téléphone mobile et un smartphone.
Il y a quelques temps, je suis parti voyager.
Ça fait à peu près 6 à 8 mois,
j'ai remplacé mon téléphone parce que je l'ai perdu
et du coup, j'ai un iPhone 5 qui est obsolète sur plein de points.
Je ne peux pas avoir l'application de ma banque délicat
pour du coup pouvoir faire un virement.
Je me suis entré dans une situation,
j'avais besoin d'argent d'envirer d'un compte à un autre,
etc, etc. C'est une organisation.
Encore aujourd'hui, ça fait 8 mois et je ne suis pas assez organisé
pour bien penser à avoir mes billets de train sans l'application,
etc, etc, pour faire des demandes à la banque pour ci, pour ça.
Donc, en fait, toi comme moi, comme n'importe qui
va se retrouver dans cette situation.
Donc, en fait, on l'a mis, entre guillemets,
on l'a fait changer de place dans cette pyramide.
Mais malgré nous, malgré le fait qu'en soi,
ça soit vraiment quelque chose d'important,
c'est comme si on avait inversé, entre guillemets,
cette pyramide, mais sans vraiment d'intention,
peut être, sans vraiment y penser.
Si ça s'était fait comme ça un petit peu,
il y a ce téléphone qui est là.
Il y a l'obligation pour les personnes d'avoir un téléphone.
Et à côté de l'obligation, il y a aussi forcément des choses,
entre guillemets, positives.
C'est aussi le téléphone, un moyen de garder contact
avec sa famille, de s'occuper, voilà plein, plein, plein, plein d'autres choses.
Donc, de fait, aujourd'hui, on va avoir besoin
d'aller tendre vers un téléphone et comment nous,
on va aller justement utiliser cet état de fait,
entre guillemets, on peut d'un côté le combattre,
on peut aussi, à côté, essayer d'en faire une force
pour aller à contre pied justement du téléphone
qui casse le lien social.
Et je pense que c'est vrai, d'un certain point de vue,
et bien nous, comment on va utiliser le téléphone et le numérique
pour au contraire le renforcer.
C'est intéressant parce qu'en fin de compte, comme nous l'avons dit,
nous en savons très peu sur l'avis de ces personnes à la marge.
Et du coup, parfois, j'ai dit que nous avons
une vision un peu statique de la marge.
Nous ne savons pas ce que ces gens étaient avant la rue
et ce qu'ils seront après la rue.
Nous les voyons à un moment précis de leur vie,
mais c'est pas nécessairement toute leur vie.
Peut-être qu'il y a certains d'entre eux et elles
ont été, ou serrent, pris au fait des technologies numériques,
à l'aise avec des tablettes, des ordinateurs, etc.
Et bah, du coup, voilà la réponse de Guillaume
qui, je dois l'avouer, m'a un peu surpris.
Il y a une étude sur laquelle on base une grosse partie de notre travail.
C'est une étude de Solinum, qui fait le soli-guide, etc.
et qui a eu une étude justement qui date de 2018.
C'est un peu long, mais ça n'a plus que évolué dans ce sens
sur justement le fait, dans ces recherches,
on est à plus de la majorité des personnes
qui sont, ou qui ont été sans abri SDF,
sont inclus numériquement, mais sont à l'aise avec le numérique.
Si on parle d'une population, je ne sais pas, plus âgée,
une population plus intégrée, plus riche, blanche, si, etc.
Peut-être que les chiffres seront beaucoup moins importants finalement, en fait.
Donc oui, ce sont des personnes, aujourd'hui,
je pense que le fait d'être à l'aise avec un outil numérique
n'est pas forcément, entre guillemets, lié avec,
même si évidemment que ça y contribue,
parce qu'on y a moins accès, en fait.
Et c'est là où on parle de lien social.
C'est cette rupture de lien social qui va mener à la précarité, souvent.
C'est le point de départ.
J'ai une rupture dans ma vie sentimentale.
Je me sens un petit peu moins bien.
Je commence à avoir, je ne sais pas, ces comportements.
Je vais perdre mon travail parce que c'est difficile, etc.
J'entre dans une boucle qui a aussi bien
des causes très concrètes, pratiques matérielles
et des conséquences qui le sont moins,
comme la perte de confiance en soi, etc.
Et du coup, très rapidement, et moi aujourd'hui,
ça, c'est personnel, je pense que si on ne fait pas attention
aux personnes qui sont autour de nous,
qui sont exclus, qui ont l'air différentes,
c'est parce qu'on a peur de devenir comme elles.
C'est parce qu'en fait, on a ce truc qui nous fait dire,
mais ça va tellement vite, en fait, ça va tellement vite.
Et n'importe qui peut arriver dans cette situation.
Et typiquement, il y a des choses, évidemment, qui ressortent.
Il y a une grande partie, je ne sais plus quel est le chiffre,
pas une majorité, mais deux personnes qui vont être à la rue,
qui sont issues de la ZE, qui ont du coup, à 18 ans, dû se retrouver dehors.
On va avoir aussi des populations immigrées
qui vont arriver et se retrouver dans cette situation.
Donc évidemment qu'on peut faire des rapprochements.
Il y a un sujet dont on n'a pas parlé et pourtant
qui est un peu comme un éléphant au milieu de la pièce
dans nos discussions, c'est la question de l'accès au numérique.
Si on parle de personnes SDF, de personnes exclus
et qu'on cherche à recréer du lien social par le billet du numérique,
une des premières questions qu'on peut se poser,
c'est comment ces personnes ont accès au matériel de base,
puisque le numérique, ça reste quelque chose quand même de très concret,
de très physique.
On a besoin d'un support pour y accéder.
Alors dans cette situation, comment trouver un smartphone,
comment trouver une SIM pour avoir Internet
et même comment avoir un abonnement téléphonique sans adresse ?
Clairement, aujourd'hui, avoir un téléphone portable,
qui fonctionne, etc., c'est une difficulté.
Tout à l'heure, on parlait de l'obligation d'en avoir un.
Ce n'est pas l'obligation qui fait la facilité de s'en procurer.
Du coup, là-dessus, il y a de plus en plus de structures,
d'associations qui veillent ou qui travaillent
pour équiper les personnes qui ont besoin,
avoir des lieux où les recharger, etc.
On a par exemple sur Bordeaux et Paris, on a le Wanted Café.
Il y a La Cloche qui a, via le Carrillon,
un ensemble de commerçants solidaires
qui proposent plus ou moins différents services.
On peut venir boire un café suspendu, on peut aller aux toilettes,
on peut recharger son téléphone.
On a Emmaus Connect qui travaille sur l'accès
à des moyens connexions à prix solidaires,
du matériel reconditionné bon marché
et à de l'apprentissage aussi gratuit.
On parlait de l'apprentissage, etc.
On a des initiatives,
on a un accès qui est compliqué mais un peu plus facile
encore aujourd'hui à une carte SIM.
Ce qui va être difficile, on va voir, c'est parfois la domestication.
Par exemple, il y a une des choses à faire assez rapidement
quand on essaye de s'insérer, c'est évidemment se domicilier,
notamment au CCAS, pour avoir une adresse
qui nous permet d'engager plein de démarches
et qui est la base de tout.
Evidemment, il y a un frein à l'utilisation de ce téléphone.
On a des forfaits où on peut avoir simplement acheter une SIM
avec qui on a uniquement WhatsApp, par exemple.
Ça, c'est autre chose, c'est l'importance d'avoir Internet.
Ça, c'est une deuxième chose.
Et ça, c'est vraiment une seconde difficulté.
Mais ces limites sont encore plus importantes.
Le fait d'avoir une domestication, ça va être aussi important
pour avoir parfois un forfait que plein d'autres choses
quant à toutes sortes de démarches, etc.
Donc, au final, évidemment, qu'il y a des difficultés
à accéder à la possibilité d'une carte SIM ou autre,
mais qui est la même difficulté que celle, malheureusement,
d'accéder à un éventail d'autres services
pour lesquels on a besoin, effectivement,
d'une domestication ou autre.
Donc, je ne suis pas spécialiste, par exemple,
des réfugiés qui arrivent ou autres,
mais on se retrouve très souvent à avoir besoin d'un papier
pour en avoir un autre.
Il y a des personnes, des associations qui vont aider,
qui vont accompagner sur, tiens,
quel papier demander, qu'est-ce qu'il faut dire ?
Et c'est vraiment, tourne ça de cette manière.
Allons dire ça.
C'est un chemin qui, parfois, se répète et très, très long.
Et là-dessus, malheureusement, là-dessus,
nous, on n'a pas trop d'impact,
ou en tout cas de pouvoir te changer les choses.
Ces discours me rappellent des souvenirs.
Or, loin de moi de mettre mon expérience
sous le même plan que celle d'un exilé,
mais quand je suis arrivé en France,
je me suis heurté aussi à ce que j'appelle
les cercles infernals de la bureaucratie.
Pour avoir une carte SIM, il faut avoir un domicile,
mais pour un domicile, il faut avoir un toit.
Pour une location de pour avoir un toit,
il faut un compte en banque français,
mais pour un compte en banque,
il vaut mieux avoir un domicile et une carte SIM.
Et la sécurité sociale, encore un autre cercle.
Ce qui est intéressant,
c'est qu'avec la dématérialisation des démarches,
il y a un continu aller-retour des bureaux physiques
vers les pratiques en ligne et vice-versa.
Mais qu'on donnait dans le système,
c'est un grand classique français et aussi italien
de se plaindre de la bureaucratie.
Mais il est difficile d'expliquer les poids
qui prennent tous ces procédures qu'on donnait hors système,
qu'on n'en parle pas bien la langue,
qu'on ne sait pas comment convaincre les gens qui ne sont en face.
Imaginez que vous venez de la marge.
En tout cas, ceci n'est pas le travail direct d'un tourage pour l'instant.
L'accent est mis sur les liens sociales.
Mais de coup, je me demande, dans la pratique,
comment l'application fonctionne ?
D'abord, il y a la question de la création de communauté.
Comme j'expliquais, on va aller sur le terrain rencontrer des gens
ou on va nouer des partenariats avec des structures
qui travaillent avec ces personnes-là
et qui vont pouvoir partager les outils
ou simplement les utiliser pour elles.
Ensuite, il y a aussi la rencontre lors d'événements.
Donc on organise des petits événements
qu'on propose sur l'application
et qui regroupent des événements qu'on organise
ou que d'autres structures organisent.
On va organiser ces petits événements
où les personnes vont pouvoir se rencontrer.
C'est aussi une manière d'aller voir des personnes directement.
Une fois qu'on a créé cette communauté de personnes,
là on parlait des personnes qui sont isolées,
il y a aussi tout un travail de communication en ligne ou hors ligne
pour parler du projet entourage, des campagnes de recrutement,
de la com classique plus ou moins,
pour aller chercher des gens.
On crée cette communauté
et derrière, une fois qu'on a créé cette communauté,
on a tout un ensemble de personnes qui sont là pour la maintenir et la fédérer.
On a donc à la modération de l'application,
c'est-à-dire qui s'inscrit, quels besoins il a,
comment il va utiliser l'application.
On a une personne en CDI dans chaque antenne.
Donc les antennes, c'est Paris-Rennes et la Bretagne, Lille,
les Hauts-de-France, Paris et l'Île-de-France,
évidemment Lyon et ses alentours, Marseille et depuis peu Bordeaux.
On a de la gestion de communauté.
Tous les noms permanents sont aussi en community builder,
se retrouvent en réunion à la semaine avec une personne qui chapeute tout ça
sur comment on va animer notre communauté.
Donc leur travail, ça va être leur rôle,
ça va être d'aller parler aux gens,
d'aller s'assurer qu'ils aient compris comment font tienner l'application
et puissent l'utiliser, etc.
Sur l'application, on va retrouver en première page un résumé
de toute notre vie sur l'application, tout ce qui s'y passe.
On a un espace de contribution et de demande
sur lequel n'importe qui, au titre d'une association,
au titre d'une personne privée, peut demander ou proposer quelque chose,
un bien, un service.
J'ai besoin de vêtements, j'ai envie d'accompagner ou de couper les...
Enfin, je peux donner par exemple une coupe de cheveux gratuit,
je dis ça parce qu'on a une structure qui s'appelle
le coiffure du cœur qui fait ça et qui met sur l'application.
Là-dessus, je vais pouvoir aller contacter directement
cette personne qui propose ou qui a besoin.
On peut communiquer ensemble, on a un espace de discussion
et là-dessus, on va pouvoir se retrouver,
d'où la création de lien sociale,
c'est que finalement, mon besoin et ma demande
emmènent les personnes à se rencontrer.
En 2024, on a eu 964 contributions qui ont été créées.
C'est 14% en plus qu'en 2023.
Donc c'est un espace qui, entre guillemets, qui fonctionne
et qui a tendance à grossir.
Il y a des groupes de discussion privée, publique
ou en privé avec des personnes pour échanger.
Et il y a un espace événement sur lequel
nous, on poste les événements qu'on organise
ou d'autres structures peuvent poster les événements
qu'elles organisent et qu'en dit structure,
en fait, c'est même une personne privée.
Si toi, tu as envie de faire quelque chose,
que ça correspond à notre charte,
que c'est pour créer le lien sociale
et que c'est ouvert à tout le monde
et que tu ne sais pas comment aller toucher
des personnes qui ont besoin,
tu peux le publier, tu peux l'animer
et nous, on peut t'accompagner là-dessus.
Et n'écoutant Guillaume,
je me souviens de la discussion avec Félix Treguer
il y a deux épisodes,
sous la relation entre l'espace public physique
et l'espace numérique formé par Internet
et de comment ils sont différents
mais intimement liés.
Bon, malgré tous les critiques
à l'égard d'Internet aujourd'hui,
je trouve beau que nous parvenions encore
à construire des relations humaines
dans les deux espaces,
voire les construire dans les numériques
et les ramener ensuite dans l'espace physique.
Mais encore une fois,
lorsque les personnes qui ne se connaissent pas
interagissent sur Internet,
la question de la modération
de ces relations est centrale.
Nous demandons donc à Guillaume
comment c'est la fonction
à la fois sur l'application,
mais aussi une fois que les gens
se rencontrent en présence.
La modération qu'on va faire,
c'est plutôt sur s'assurer
que la personne soit dans la bonne position
ou au bon endroit pour demander
ce dont elle a besoin.
Typiquement, on ne va pas pouvoir
proposer quelque chose qui va être émunéré,
même si, entre guillemets,
ça pourrait être à un prix très accessible, etc.
Il y a des groupes aussi,
il y a des moments où, par exemple,
quelqu'un va demander de faire
une rencontre amoureuse
parce qu'il se sent seul.
Ce n'est pas l'endroit.
On va avoir une personne dans un groupe
dédié à la culture qui va dire
coucou, moi, j'ai un voilà mon CV,
voilà mon travail,
j'aimerais qu'on m'accompagne.
On a Entourage pro, c'est pas ça.
Finalement, on voit que c'est surtout
de la modération dans ce que je vais proposer
et ce que je suis au bon endroit
sur la bonne plateforme
et comment le faire
plutôt que des échanges ou le, etc.
C'est plutôt là-dessus qu'on situe.
Et à côté de ça,
on a aussi une équipe d'ambassadeurs.
Nous, aujourd'hui,
on s'appuie beaucoup sur l'engagement des citoyens.
On recrute des bénévoles,
mais on les recrute à l'année scolaire.
En gros, on essaie de constituer des équipes
qui s'engagent dans la durée.
Et leur engagement, c'est à minima
deux heures par mois.
Donc, en gros, l'équivalent d'un événement
de tenir un événement
et de le tenir dans la durée.
Ça nous permet quoi ?
Ça nous permet de créer du lien social
dans la durée, c'est à dire que des personnes
retrouvent sur la plateforme en direct
les mêmes personnes avec qui elles créent du lien.
C'est des personnes qu'on forme,
du coup, qui sont formées
et à nos outils et au lien social
et à certaines questions
autour de la précarité.
Et du coup, pas toutes,
pas tout le temps,
mais tout le monde va retrouver
aussi les personnes avec qui
elles communiquent de manière globale.
À écouter notre invité, j'ai l'impression
que l'équilibre entre communauté en ligne
et communauté physique est plutôt bien réussi.
Et personnellement, quand j'ai entendu
parler d'entourage pour la première fois,
j'y croyais pas trop.
Je me suis posé plein de questions
sur l'intérêt de l'application
et sur comment tout cela pouvait être géré.
Pour être honnête,
je crois que j'avais un peu peur
de la manière dont on pouvait travailler
avec ce type de public.
Comment intégrer ces personnes
sans qu'il n'y ait des rapports bizarres
de domination ou en tout cas,
sans que la différence de milieux
n'entrave le respect de chacun.
Pour moi, le cœur d'un projet
comme celui d'entourage,
il doit être porté avec les premiers concernés.
Et ça tombe bien,
puisque c'est comme ça qu'ils travaillent.
En effet, autour d'entourage,
les décisions se font dans ce qu'ils appellent
un comité de la rue.
Et on a demandé à Guillaume
de nous en dire plus là-dessus.
Déjà, Entourage,
l'association s'est constituée,
s'est créée autour d'un comité de la rue,
un comité de la rue.
C'est, on va dire, un organe,
une boussole éthique
qui va orienter,
prendre certaines décisions
sur tous les plus ou moins grands
ou toutes les choses impactants
liés au projet entourage.
On a des comités de la rue dans les antennes.
Aujourd'hui, il y a une personne à Marseille
et toutes ces personnes
se réunissent au niveau national
pour échanger autour de plein de sujets.
Et quand je dis plein de sujets,
ça va être aussi bien en ce moment
la question du nom comité de la rue
qui est un peu remise en question.
Est-ce qu'on a encore envie
d'avoir ce mot rue ?
À quoi ça nous fait penser ?
On a aussi envie d'élargir
à des personnes qui n'ont pas forcément vécu
cette situation de rue,
qui ont simplement souffert d'isolement,
à d'autres problématiques un peu plus légères
ou même à ces idées de dire
et si on allait travailler
sur le côté sportif,
etc., etc.
Et du coup peu pour peu qui mène à la création
d'entourage sport ou d'entourage pro.
Sur ce qui est d'application,
il y a un exemple qui me fait assez rire.
C'est quelqu'un qui avait proposé un jour
au comité de la rue.
Il y a un gros changement dans l'application.
Est-ce qu'on pourrait pas l'utiliser
pour faire une sorte d'application de rencontre aussi ?
Et quand je dis rencontre,
voilà parce qu'on a besoin de faire de la rencontre,
on est isolé,
on a quand même besoin de trouver un ou une partenaire,
etc.
Le comité de la rue a dit non.
Si j'ai bien compris,
c'est pas une association qui fait aussi de plaidoyer.
Quand on voit ces genres d'associations avec Alex,
on ressent les besoins de poser une question.
Leur travail est bien, on l'adore,
mais les problèmes des fonds et la précarité
est structurel dans notre société.
Nous avons vu que ce n'est pas un problème d'individus
qui font des mauvais choix
et c'est que nous vivons des existences fragiles,
certains plus, d'autres moins.
Et du coup, un problème structurel
demande des réponses structurelles, non ?
Bah comment ils pensent de pouvoir
réellement faire changer les choses ?
On a quand même le sentiment
et une certaine assurance de se dire
que un changement structurel
peut aussi se faire entre guillemets par en bas.
Et du coup, si on va sensibiliser
chaque citoyen dans les entreprises,
donc on essaye de s'attaquer vraiment à tout le monde,
peu importe justement là vraiment d'où je viens.
Est-ce que je travaille pour une grande
ou une petite entreprise dans le milieu associatif ou non ?
Chaque personne en tant qu'individu
finalement est en tant que citoyen.
Si on va dans des entreprises, dans des écoles,
on est déjà allé sensibiliser des élus dans certaines villes.
Enfin, c'est infini en fait,
des personnes qu'on peut aller sensibiliser.
D'une certaine manière, on va pouvoir,
en changeant un petit peu les mentalités petit à petit,
changer la structure même.
Voilà, c'est un peu là où on se situe,
c'est un peu de partir des gens et d'en bas
en espérant que ça bouge au-dessus.
Sincèrement, c'est une belle vision des choses
et le combat mené par entourage
pour sensibiliser est respectable.
Pour être franc, Guglielmo et moi
pensons que ce genre de bataille
ne peut pas être mené uniquement par des associations
et des actions de sensibilisation.
À nos yeux, il manque presque une remise en question du système
qui a engendré ces situations de précarité et d'isolement.
On aimerait voir ces efforts couplés à des actions
agissant structurellement sur le problème.
C'est selon nous ce qui manque au discours de Guillaume.
Pour autant, encore une fois,
les actions menées par entourage sont importantes.
Et quand nous discutons de cette divergence avec lui,
il tient à nous rappeler que les personnes
engagées dans son association le sont aussi ailleurs.
Une manière de nous montrer qu'il n'y a pas une seule façon
de s'investir dans les luttes qui ont du sens.
Aujourd'hui, on a nous ce qu'on fait.
Et ensuite, on a aussi la personnalité de chacun et chacune
au sein d'entourage.
Comment on en parle autour de nous ?
Comment nous, on s'investit ?
Aujourd'hui, une grande majorité des salariés,
des bénévoles chez entourage comme un petit peu partout
sont vachement engagés ailleurs aussi.
Est-ce qu'il faut être militant pour être engagé ?
Et que veut dire l'engagement ?
Où est-ce que je suis engagé ?
Dans quelle partie de ma vie ?
Nous, notre idée, elle est de s'arrêter
à un moment où on va peut-être se retrouver face
à un cloisonnement ou à des frontières qui vont nous empêcher
de toucher tout le monde.
Notre objectif est là, peu importe en fait d'où tu viens, qui tu es,
je dois te sensibiliser, je dois.
Et c'est comme ça qu'on arrivera à vraiment faire changer les choses.
Merci à Guillaume Sénéchal de l'association Entourage
pour ses échanges sur l'isolement social, le numérique
et aussi sur sa vision de la lutte associative.
On vous invite à jeter un œil à l'application
pour en savoir plus, l'application Entourage.
Pour l'avoir essayé, elle est super bien faite.
Merci également à Clara Agnelo de l'association Une voix pour elle,
qui nous a aidé à la préparation du sujet et à la relecture du script.
Si cet épisode vous a plu et que vous nous écoutez
en podcast ou sur la bande FM de Radio Grenouille,
on vous invite à écouter les précédentes émissions
disponibles dans vos applis.
N'hésitez pas non plus à commenter et à nous laisser des étoiles
sur ces dernières. Sur ce, à bientôt.
==/ Sous-titres générés avec IA (Whisper), editing et proofing par Guglielmo Fernandez Garcia /==
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