Et si le Minitel avait permis un autre Internet ? Avec Bernard Marti

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==/ Sous-titres générés avec IA (Whisper), editing et proofing par Guglielmo Fernandez Garcia /==
Alexandre: S'intéresser aux technologies modernes de communication, c'est naturellement faire référence à Internet.

Alexandre: Pourtant, on ne parle presque plus du réseau en lui-même, tant il est éclipsé par ses usages.

Guglielmo: À la place, on mentionne plutôt les services et les applications qui le rendent possible.

Guglielmo: On envoie des e-mails, ou aujourd'hui, plutôt des messages sur WhatsApp, on s'informe via les résultats d'un moteur de recherche, et même nos déplacements passent par les numériques, que ce soit pour réserver un blablacar ou acheter un billet de train.

Alexandre: Et si on vous disait que dès les années 80, la France disposait déjà de son propre réseau capable de répondre à bon nombre des besoins aujourd'hui comblés par internet.

Alexandre: Ce réseau, le grand public y accédait grâce à une technologie devenue mythique, le Minitel.

Guglielmo: Or, le Minitel est officiellement mort.

Guglielmo: Alors pourquoi s'intéresser si c'est pas pour un anecdote historique ?

Guglielmo: Et bien, comme l'on le verra dans cet épisode, l'histoire du Minitel nous apprend beaucoup sur les mondes de la technologie d'aujourd'hui.

Guglielmo: Elle nous laisse entrevoir qu'un autre numérique était possible, et nous fait réfléchir différemment sur certains... mythes que nous prenons pour acquis dans les mondes de l'innovation.

Alexandre: Dans cet épisode, nous avons le plaisir de recevoir Bernard Marti, anciennement directeur technique du Centre commun d'études de télévision et de télécommunication AREN.

Alexandre: Dans les années 70, il coordonne les travaux d'une équipe à l'origine du Minitel.

Intro: Ok, je lance AZERTY.

Voix off: Minitel, c'est un système qui risque de bouleverser pas mal d'habitude chez les utilisateurs du téléphone.

Voix off: Minitel, c'est la fin de l'annuaire en papier et l'avènement de l'annuaire électronique sur écran.

Voix off: Cette expérience déjà en place en Ille-et-Vilaine va désormais faire partie des services que propose TéléTel aux abonnés de Vélizy.

Voix off: Comment fonctionne Minitel ?

Voix off: Quelles sont les réactions de ses utilisateurs ?

Voix off: Bretons pour l'instant, l'enquête de nos confrères de FR3 Red.

Alexandre: Présent dans plusieurs millions de foyers français pendant presque 30 ans, on peut dire sans se tromper qu'à un moment de l'histoire, le Minitel était LA technologie de pointe dans l'industrie des télécommunications.

Alexandre: Pourtant, aujourd'hui, selon votre âge, il est fort probable que cet appareil ne vous dise rien.

Alexandre: Alors de quoi parle-t-on ?

Alexandre: Le Minitel, c'est d'abord un terminal de consultation.

Alexandre: Une espèce de machine dotée d'un écran, d'un clavier qu'on pourrait presque apparenter visuellement à un ordinateur, mais qui ne fonctionne pas vraiment pareil puisqu'on ne peut rien faire avec s'il n'est pas connecté au réseau téléphonique.

Alexandre: Une fois le Minitel raccordé au réseau téléphone, il va pouvoir accéder à un autre réseau appelé Transpac.

Alexandre: Et c'est là que ça devient intéressant.

Alexandre: Transpac, dans les années 70, ça permet aux industriels, aux banques et aux autres services du genre de communiquer entre eux.

Alexandre: C'est vraiment pas quelque chose d'accessible au grand public, et avec le Minitel vient la possibilité d'accéder à Transpac, à des serveurs inaccessibles jusque là, et donc à des données consultables par les utilisateurs.

Alexandre: Aujourd'hui, ça nous paraît pas grand chose, mais on parle des années 80 là quand même.

Alexandre: Maintenant qu'on est raccord sur ce que c'est précisément le Minitel, entrons dans le vif du sujet et pour commencer, on demande à Bernard Marti de nous raconter lui-même les débuts de cette histoire que moi j'ai l'impression de connaître comme étant d'abord une histoire d'annuaire électronique.

Bernard Marti: Alors il n'y avait pas encore d'ordinateur domestique, ça a commencé en 1975 et en fait ça n'avait rien à voir avec l'annuaire électronique qui est un sous-produit de ce pour quoi nous avons été contactés.

Bernard Marti: On a été contactés pour adapter en France le télétexte inventé au Royaume-Uni.

Bernard Marti: Donc rien à voir, le réseau c'était le réseau de télévision par le réseau téléphonique.

Bernard Marti: les données étaient transmises sur les lignes du signal de télévision inutilisées par l'image et l'objet était un téléviseur auquel on raccordait un décodeur qui décodait les textes transmis sur ce signal de télévision.

Bernard Marti: Et puis, pour faire ce développement, pour faire cette adaptation plutôt,

Bernard Marti: Il a fallu reprendre tout à zéro parce que le système anglais ne permettait d'afficher que des mots en langue anglaise.

Bernard Marti: En 1975, nous étions depuis trois ans à Rennes et nous avions créé le Centre commun de télévision et de télécommunication qui réunissait des personnes de trois cultures différentes, les gens de télévision, les gens du téléphone et des informaticiens de réseau.

Bernard Marti: Et c'est à partir de ces trois cultures qu'un certain nombre de recherches ont été entreprises, un certain nombre d'inventions ont été faites.

Bernard Marti: Donc trois ans après, en 1975, l'ORTF n'existait plus.

Bernard Marti: Mais notre directeur était devenu directeur général de Télédiffusion de France, qui était une des sociétés issues de l'éclatement de l'ORTF.

Bernard Marti: et il s'est tourné vers nous pour ajouter ce service de télétexte au service de télévision dont il avait la charge, en tout cas en termes de réseau.

Bernard Marti: Et donc nous avons repris l'étude à zéro pour pouvoir afficher, non pas seulement le français, mais l'ensemble des langues européennes utilisant l'alphabet latin, ce qui nécessitait une transformation assez importante.

Bernard Marti: Et d'autre part, nous avons créé le réseau de diffusion de données

Bernard Marti: qui, contrairement au système de télétexte anglais, était transparent au type de données qu'il transportait, de façon à pouvoir expérimenter d'autres types de services, par exemple la télécommande de magnétoscope qui commençait à apparaître sur le marché en fonction du programme.

Guglielmo: Avec les vidéotextes, nous parlons d'une technologie dont ni moi ni Alex nous nous souvenons bien.

Guglielmo: Bon, il faut imaginer un écran, souvent un grand téléviseur cathodique, auquel on peut adresser une demande.

Guglielmo: Par exemple, envoyer un code numérique 777.

Guglielmo: Ou un texte court, par l'intermédiaire d'un clavier, ou plus tard, d'un télécommande.

Guglielmo: Sous l'écran, apparaît un texte blanc sur fond noir, avec les informations que nous avons demandées.

Guglielmo: Tout cela, c'est fait par l'intermédiaire de réseaux téléphoniques ou télévisuels.

Guglielmo: Nous sommes vraiment à l'aube de la société des communications numériques.

Guglielmo: Mais là, j'aimerais bien comprendre sur quoi on leur a demandé de travailler, à quoi ils ont imaginé qu'un service comme ça pourrait servir.

Bernard Marti: Quelques mois plus tard, M. Rémy, le directeur général de TDF, nous demande de partir à Moscou pour offrir ce système aux journalistes des futurs Jeux Olympiques de 1980, afin qu'ils puissent à la fois suivre les compétitions sur leur écran et afficher des textes à la demande, par exemple les performances des compétiteurs, leurs palmerès antérieurs, etc.

Bernard Marti: afin de pouvoir appuyer leurs commentaires sur des données sans avoir à feuilleter les tonnes de papiers qui étaient distribués auparavant aux Jeux Olympiques, par exemple à Montréal.

Bernard Marti: Alors, il se trouve que pendant notre séjour à Moscou, les ingénieurs soviétiques nous ont dit « Et votre truc là, est-ce que ça marche aussi sur téléphone ? »

Bernard Marti: La réponse a été oui et quelques mois plus tard, nous avons présenté

Bernard Marti: l'ancêtre du Minitel, sur un écran de télévision aussi, avec un décodeur externe aussi, à une exposition de Berlin, où le directeur général des télécommunications, Gérard Terry, est passé, et il a dit, j'ai besoin de relancer l'industrie du téléphone parce qu'on l'a surchauffé pour rattraper le retard du réseau téléphonique français, ils vont m'être obligés de licencier, à quelques mois des élections législatives, c'est pas tellement ce qu'il faut faire, je cherche un autre produit,

Bernard Marti: Pour cette industrie, ce sera le vidéotexte.

Bernard Marti: Ça s'appelait pas encore le Minitel.

Guglielmo: Ah, je m'attendais pas.

Guglielmo: L'innovation Minitel ne vient pas d'une idée géniale d'un ingénieur-entrepreneur au profil héroïque, mais des besoins concrets, comme l'exemple des Jeux Olympiques, et surtout d'une nécessité de faire vivre une filière composée de travailleurs et travailleuses spécialisés, et qui risquaient leur job.

Guglielmo: Bon, c'est une image bien différente du showcase auquel la Silicon Valley nous a habitués.

Guglielmo: Mais pour le moment, Bernard Marti nous raconte aussi une autre chose qui nous a surpris.

Guglielmo: Dans l'équipe de développement, il y avait des travailleurs de au moins trois cultures différentes.

Guglielmo: On se demande alors quels étaient les rôles de chacun et quels étaient les siens.

Bernard Marti: Chef de département.

Bernard Marti: Chef de département d'une quinzaine de personnes, qui s'appelait Terminaux et Systèmes audiovisuels.

Bernard Marti: Dans cette équipe, il y avait des gens qui s'occupaient de télécopie, qui s'occupaient donc de textes sur écran en général, de graphismes sur écran.

Bernard Marti: Et puis, on a commencé à s'occuper aussi de photos, de transmission de photos, ça a donné JPEG.

Bernard Marti: On avait une vision un peu plus large, disons, que celle qui avait été retenue pour le Minitel.

Bernard Marti: Et en fait, le JPEG a été développé avec l'intention de l'implanter sur le Minitel.

Bernard Marti: il y a eu un millier de terminaux appelés Minitel photographiques.

Bernard Marti: Ça a été vu dans des agences immobilières, ça a été vu dans des agences de tourisme.

Bernard Marti: C'était des Minitel qui utilisaient le réseau Minitel à vitesse rapide, qui au lieu de fonctionner à 1200 bits par seconde, fonctionnait à 4800, ce qui n'est que quatre fois plus rapide, parce que transmettre de l'image, ça demande quand même un petit peu plus de débit que de transmettre des caractères.

Alexandre: Ok, alors là, il y a beaucoup de choses à dire sur ce qu'on vient d'entendre.

Alexandre: Comment ça, le JPEG a été développé pour être d'abord sur Minitel ?

Alexandre: Je me doutais que cette relique technologique avait laissé un certain héritage, mais j'étais loin de penser à quelque chose d'aussi important que le JPEG.

Alexandre: Bon d'accord, c'est un peu mon enthousiasme de technophile qui parle, mais quand même, le JPEG, ça reste un format d'image encore surutilisé aujourd'hui par nos téléphones, nos appareils photos,

Alexandre: et de se dire que ça vient un peu du Minitel, je trouve ça assez incroyable.

Alexandre: D'ailleurs, ce qui est un peu surprenant aussi, c'est qu'il existait finalement d'autres types de Minitel.

Alexandre: J'en étais resté à ce qu'on disait au début, de la consultation de bases de données sous forme de vidéotexte.

Alexandre: Et là, j'apprends qu'il y a eu quelques modèles à images.

Alexandre: Du coup, je ne peux pas m'empêcher de demander à notre invité, est-ce qu'il y a eu d'autres modèles un peu différents dans ce genre-là ?

Bernard Marti: Effectivement, il y a eu un certain nombre de variantes du Minitel.

Bernard Marti: Le Minitel standard qui n'affichait que du texte et des graphiques élémentaires.

Bernard Marti: Il y avait le Minitel photo, il y a eu le Minitel couleur.

Bernard Marti: Il y a eu le Minitel Dialogue, et puis un certain nombre de Minitel destinés aux démonstrations à l'étranger, en grec, en russe, en arabe, en chinois et en japonais.

Bernard Marti: Par contre, la connexion entre machines, ça, c'était pas possible.

Bernard Marti: Si, bien sûr.

Bernard Marti: Il y a eu des Minitel Dialogue, notamment pour les malentendants, destinés aux malentendants.

Bernard Marti: Donc il y avait, dans le protocole Minitel, la possibilité de retourner le modem

Bernard Marti: parce que le modem était asymétrique, 1200 bits par seconde dans un sens, dans le sens où on recevait les pages, et puis quand on tapait la requête, il n'y avait pas grand chose à taper, c'était 75 bits par seconde.

Bernard Marti: Donc on pouvait retourner le modem, la personne tapait son texte en 75, à l'autre bout il était reçu en 1200, et puis pour la réponse, on retournait le modem pour que la personne qui tapait... etc.

Bernard Marti: Donc le monumental dialogue a existé,

Bernard Marti: Il y en a eu quelques milliers.

Bernard Marti: Pour les malentendants, c'était essentiellement destiné aux malentendants, mais c'était possible pour les gens normaux.

Voix off: Aujourd'hui, avec un Minitel, le point d'accès Vidéotex vous offre 12 000 services.

Voix off: Alors n'hésitez plus, branchez-vous Minitel.

Alexandre: Ce que je trouve impressionnant avec le Minitel, c'est la diversité des services qu'il proposait déjà à l'époque.

Alexandre: Comme on le disait en introduction, beaucoup d'entre eux font écho à ce qu'on fait aujourd'hui sur internet, que ce soit sur un ordinateur ou sur un smartphone.

Alexandre: Naïvement, je pensais que comme le web à ses débuts, le Minitel avait été conçu pour répondre à un seul besoin.

Alexandre: En l'occurrence pour le web, c'était d'abord une expérience de documentation.

Alexandre: Et pour moi, le Minitel, c'était l'annuaire téléphonique.

Alexandre: Mais en réalité, dès sa conception, le Minitel était pensé pour accueillir une

Bernard Marti: Ça faisait partie de notre programme d'expérimentation.

Bernard Marti: On avait vraiment envie d'expérimenter les diverses possibilités.

Bernard Marti: C'était la naissance des premières bases de données, scientifiques, mais de plus en plus grand public.

Bernard Marti: Et donc, nous, ce qu'on souhaitait, c'était rendre cet accès aux bases de données accessible au grand public le plus facilement possible.

Bernard Marti: Je me rappelle, quand on expérimentait, il y avait des bases de données médicales.

Bernard Marti: d'aide aux diagnostics médicaux déjà.

Bernard Marti: Le professeur Lenoir a la fac de médecine ici du CHU de Rennes.

Bernard Marti: On a utilisé ça pour faire nos démonstrations et il y avait des tas de services dans lesquels il y avait des bases de données.

Bernard Marti: et notre volonté c'était de les rendre accessibles au grand public et donc ça a permis de démarrer la pompe.

Bernard Marti: Parce que ça offrait une diversité de services, c'était déjà le Web 2.

Bernard Marti: Le Web 2, dès le départ, la première expérimentation qui a été faite à Vélizy, toujours avec le téléviseur et puis le chauffe-place ou le téléviseur, ça a été d'expérimenter

Bernard Marti: tout un ensemble d'applications.

Bernard Marti: Nos partenaires étaient la Redoute, les 3 Suisses pour la vente par correspondance, la SNCF pour les informations d'horaires de train, Air France, les journaux locaux à Vélizy, et puis tout un ensemble d'associations locales ou d'entreprises locales qui fournissaient des informations pour cette expérimentation.

Bernard Marti: Donc, dès le départ, l'ensemble des applications qui ont été développées par la suite étaient présentes sous une forme ou sous une autre.

Bernard Marti: Ce qui s'est passé, c'est l'inverse.

Bernard Marti: C'est-à-dire que la presse locale, dont la presse régionale bretonne, ou Est-France en l'occurrence, s'était élevée contre cette expérimentation en disant qu'elle allait faire perdre la liberté de la presse, faire concurrence à la presse papier, etc.

Bernard Marti: Et donc, Gérard Théry, qui ne voulait pas fâcher la presse régionale, toujours pour les mêmes raisons de proximité des élections, a dit, OK, mais il y a une information dont je suis le légitime propriétaire, c'est l'annuaire téléphonique.

Bernard Marti: Donc, je limite ma première étape à ce type d'information.

Bernard Marti: Nous allons développer l'annuaire sous forme électronique.

Guglielmo: Ah mais donc c'est pour ça qu'on dit que les Minitel est lié à l'annuaire.

Guglielmo: Pas à cause d'une volonté de projet lui-même, mais à cause des conflits avec les différents partenaires.

Guglielmo: Et en fait, ça me semble beaucoup plus logique comme idée.

Guglielmo: Quand donné sur un projet comme les Minitel, il est naturel de se pencher sur toutes les bases des données qui existent déjà, non ?

Guglielmo: D'ailleurs, le fait que les numériques aient suscité des craintes chez les médias traditionnels n'est pas nouveau.

Guglielmo: Nous avons déjà évoqué avec Félix Treguer que l'ouverture d'un nouvel espace public grâce aux numériques et Internet réproduisait les mêmes mécanismes que l'invention de la presse et la diffusion à grande échelle de médias, des journaux, etc.

Guglielmo: Du coup, c'est pas un hasard si la presse écrite s'est sentie menacée à ces moments-là par l'idée même de Minitel.

Guglielmo: et démocratisant l'accès à l'information, ça menaçait leur position.

Voix off: De tous ces fournisseurs d'informations, c'est la presse et surtout la presse régionale qui va le plus vite et le plus loin.

Voix off: Sud-Ouest, Ouest-France, les dernières nouvelles d'Alsace, tous les grands titres régionaux lancent ou vont lancer des quotidiens télématiques.

Guglielmo: La presse finira pour épouser cette nouvelle manière de partager l'info.

Guglielmo: Au début hostiles, les producteurs d'informations ont plié devant le succès de Minitel.

Guglielmo: Et plus tard, l'histoire nous montrera qu'ils ont dû faire de même avec les web.

Guglielmo: Cela dit, était-il possible de s'émanciper des services industriels qui ont trouvé sur les Minitel ?

Guglielmo: Pour faire la comparaison inévitable avec les web, aujourd'hui il est difficile de naviguer hors des cadres des gens de web, mais il existe toujours des sites indépendants, d'amateurs, d'associations et de presse indépendante.

Guglielmo: Bon, est-ce que cela a été possible avec les Minitel ?

Guglielmo: Est-ce que tous les mondes pouvaient créer son service ?

Bernard Marti: Oui, n'importe qui pouvait créer son service.

Bernard Marti: La seule condition pour créer le service intégré au service Teletel, c'était d'avoir une connexion Transpac.

Bernard Marti: Alors, elle coûtait quand même... Elle n'était pas donnée.

Bernard Marti: Elle coûtait assez cher.

Bernard Marti: Mais par contre, on pouvait très bien faire des services point à point.

Bernard Marti: Je me rappelle avoir, pour une association, développé un serveur auquel on accédait par un numéro de téléphone normal.

Alexandre: Alors oui, ici Bernard Marti explique qu'on pouvait accéder à des serveurs privés via un numéro de téléphone classique, mais c'était assez inhabituel.

Alexandre: Le Minitel, rappelons-le, fonctionnait grâce au réseau téléphonique, mais nécessitait en général de composer le célèbre 3615 suivi du nom du service sur son clavier pour y accéder.

Alexandre: D'une certaine manière, c'était un peu l'ancêtre des adresses web en 3W que l'on utilise aujourd'hui sur nos navigateurs.

Alexandre: Je crois que maintenant c'est bon, on mesure à peu près le potentiel technique de la machine.

Alexandre: Et maintenant qu'on sait que ça a été poussé par l'état pour utiliser le réseau téléphonique, j'arrive pas à comprendre qui a financé autant de terminaux.

Alexandre: Parce que si le Minitel a autant cartonné, c'est certes par son utilité, mais faut dire aussi que la machine était distribuée gratuitement aux abonnés du téléphone.

Bernard Marti: Vous ne vous rappelez peut-être pas, parce que vous n'avez pas connu cette période-là, mais le téléphone aussi était fourni en prêt dans le cadre de l'abonnement téléphonique aux usagers.

Bernard Marti: On n'achetait pas son téléphone à la boutique du coin et il n'y avait pas de concurrence entre la couleur des téléphones pour les usagers.

Bernard Marti: Il y avait le téléphone fourni, alors il y avait plusieurs modèles, mais il y avait le téléphone fourni par l'administration des PTT.

Bernard Marti: Pareil pour le Minitel.

Bernard Marti: On payait le service, on payait ses communications et ça remboursait le prix du téléphone.

Bernard Marti: On payait le service Minitel et ça remboursait le prix du terminal.

Bernard Marti: Les téléphones étaient lourdement subventionnés par les opérateurs qui récupéraient leurs donnes sur le prix des communications.

Bernard Marti: Donc c'était un peu la même philosophie que pour le Minitel.

Bernard Marti: D'ailleurs, c'est l'exemple du Minitel.

Bernard Marti: qui a conduit à ce business model de la téléphonie modible au départ.

Bernard Marti: De la part des PTT, c'était une volonté aussi industrielle.

Bernard Marti: Le problème était de subventionner Alcatel et ses autres collègues industriels qui avaient participé au rattrapage du retard téléphonique de la France.

Bernard Marti: L'État post-Ghouliste avait toujours ses industriels préférés,

Bernard Marti: Et il s'agissait d'éviter qu'ils cèdent devant la concurrence internationale, qui fonctionnait éventuellement de la même façon dans certains pays, de façon différente dans d'autres.

Bernard Marti: Donc il y avait effectivement cette volonté de politique industrielle de la France qui n'existe plus.

Bernard Marti: Et pas seulement dans le domaine du Midel, il y a eu l'aviation avec les Airbus, il y a eu d'autres types d'industries qui ont bénéficié de la même philosophie.

Guglielmo: Là, je dois avouer que Bernard Marti m'a fait vraiment rêver.

Guglielmo: Quand la technologie appartient à l'État, on peut penser à une technologie gratuite, au du moins payée différemment.

Guglielmo: Bon, c'est tous les contraires d'aujourd'hui.

Guglielmo: Parfois, lorsque je dois choisir un téléphone, je me retrouve submergé par l'offre disponible, essayant de déterminer quels sont les bons modèles, ceux qui répondent à mes besoins, pour les budgets que je me suis donné.

Guglielmo: Bon, c'est vrai aussi que je suis de ceux qui comparent tous les modèles avant de choisir et j'ai pas y passer des soirées entières même si ça, ça m'ennuie mortellement.

Guglielmo: Mais l'idée que l'État fournisse une technologie standard pour répondre aux usages de tout le monde au-delà du budget qu'on est prêt à mettre, je trouve ça séduisant.

Guglielmo: Et en plus, peut-être que ça pourrait nous aider à distinguer les plans de besoins de plans de gadgets, à aider à réduire les gaspillages, etc.

Guglielmo: Et à noter, pour Bernard Marti, il semble que cette idée de technologie d'état soit complètement normale.

Guglielmo: Cependant, au cours de l'entretien, j'avais senti aussi une autre urgence.

Guglielmo: Vous le savez, je suis italien et en Italie, il y a encore un service de télétexte qui fonctionne.

Guglielmo: Il s'appelle Télévideo et il est présent sur tous les téléviseurs.

Guglielmo: Il suffit d'appuyer sur un bouton de télécommande pour accéder au service et on peut consulter la météo, les programmes télévisés, les actus.

Guglielmo: Par exemple, 777 est la page pour voir les sous-titres d'un film.

Guglielmo: Et ce qui est amusant, c'est qu'elle est encore largement utilisée et considérée comme une source d'informations fiables.

Guglielmo: Alors j'avoue, je suis très curieux de savoir comment ça s'est passé les dialogues avec ces homologues des pays voisins.

Bernard Marti: Le premier niveau de discussion, c'était au niveau international, dans les instances de normalisation comme l'Union internationale des télécommunications ou la Conférence européenne des postes et télécommunications.

Bernard Marti: L'objectif était d'obtenir une spécification standardisée européenne.

Bernard Marti: voire internationales, le mode de communication, la façon de coder les pages, coder les caractères et les images parce qu'il y avait aussi un problème d'image.

Bernard Marti: Donc on était en contact permanent avec nos collègues qui faisaient aussi des expérimentations chez eux.

Bernard Marti: Par contre, ce qui ne marchait pas bien c'était les politiques industrielles des différents états qui rendaient extrêmement compliquées ces discussions parce que les allemands

Bernard Marti: n'avaient pas l'intention d'acheter à quelqu'un d'autre qu'Azimant, les Anglais n'avaient pas l'intention d'acheter à quelqu'un d'autre que les fabricants britanniques du BREMA, le British Radio Equipment Manufacturers Association.

Bernard Marti: Ces industriels jouaient un rôle de lobbying, chacun de leur côté, dans ces instances internationales, où ils n'étaient pas invités directement, par ailleurs.

Guglielmo: L'histoire de Minitel croise ici celle de l'Union Européenne.

Guglielmo: A l'époque dont nous parlons, l'UE était encore en construction.

Guglielmo: Il n'y avait pas d'espace Schengen et il n'existait pas de structure en dehors de relations entre pays pour discuter de développement industriel.

Guglielmo: Certes, il y avait des choses qui étaient faites, il y avait l'Europe des 6 pays, puis des 8, puis des 9, mais par rapport à aujourd'hui, c'était encore un projet à dévenir dans l'esprit des personnes et aussi dans la pratique.

Guglielmo: Et dans ce tableau général, l'histoire de Minitel nous apprend encore une chose qui va à l'encontre de l'image qu'on s'est fait de progrès dès la tech.

Guglielmo: Si la recherche a ouvert de possibilités, l'industrie elle, avec ses intérêts privés et son lobbying, a été un frein.

Guglielmo: Je ne sais pas si Bernard veut vraiment tirer des conclusions générales, mais ce qui est certain, c'est qu'une autre façon de penser la technologie est possible, tout comme c'était à l'époque.

Guglielmo: Vous me direz que je simplifie peut-être un peu.

Guglielmo: Par exemple, un autre frein possible pourrait être le fait que les infrastructures, comme celles téléphoniques, sont nationales, et que cela pourrait entraîner des difficultés d'interfaçage entre différents pays, des réseaux gérés différemment, etc.

Guglielmo: Si cela est vrai, les seuls moyens de le vérifier, c'est de le demander directement à Bernard.

Bernard Marti: Alors le réseau lui-même, en Europe, le réseau de transmission par paquet, dont Transpac était l'instance française, pendant plusieurs années.

Bernard Marti: ça a été le seul réseau de données qui a été normalisé dans des instances officielles.

Bernard Marti: Internet n'a jamais été normalisé dans des instances officielles, c'est un produit industriel qui a été développé de façon locale aux États-Unis, en l'occurrence, et puis qui a gagné sur le fait que, petit à petit, les opérateurs de télécommunications ont été privatisés ou au moins libéralisés.

Bernard Marti: Mais Transpac a été une norme, est toujours d'ailleurs, même s'il n'est plus exploité, une norme internationale approuvée par l'UIT qui est une agence spécialisée de l'ONU.

Bernard Marti: Donc la partie réseau, il n'y a pas de problème.

Bernard Marti: C'est vraiment la partie à la fois information et industrielle.

Bernard Marti: La partie industrielle pour la fabrication des terminaux et au niveau plus intellectuel, la façon de représenter l'information.

Alexandre: Donc, malgré une Europe naissante, faire coopérer les différents acteurs sur le plan technologique de l'information et de la communication semble quasiment mission impossible pour des raisons de souveraineté industrielle.

Alexandre: Alors, même s'il n'y avait pas que ça, c'est intéressant de voir à quel point les industriels pesaient déjà lourd dans les choix technologiques de l'époque.

Alexandre: D'ailleurs, ce que laisse entendre Bernard Marti en évoquant Internet va dans le même sens, et c'est tout aussi révélateur.

Alexandre: Le réseau américain, lui, s'est imposé mondialement avec sa vision bien précise de la gestion des technologies de l'information.

Alexandre: Une approche fondamentalement privée à mettre en parallèle avec le Minitel, soutenu par les PTT, l'administration française publique des télécoms.

Alexandre: Par contre, ça y est, on commence enfin à parler d'internet.

Alexandre: Et forcément, les comparaisons avec le Minitel s'imposent tellement d'elles-mêmes qu'on a du mal à croire que, pendant que ce dernier se développait en France, Bernard Marty et son équipe n'aient pas eu vent de ce qui se passait de l'autre côté de l'Atlantique.

Bernard Marti: très marginalement.

Bernard Marti: A l'époque, c'était surtout le courrier électronique, le mail, le transfert de fichiers, donc on n'était pas directement concerné par cette partie-là d'Internet.

Bernard Marti: C'est au moment où le web est apparu, donc en 92-93, donc 10 ans ou 12 ans après le lancement du Minitel, qu'il y avait forcément un lien, concurrence ou coopération, mais un lien entre le vidéotexte, partie présentation,

Bernard Marti: et le web, partie présentation de la caisse sur internet.

Bernard Marti: Quand on veut expliquer les choses, le problème c'est que quand on parle d'internet, on parle surtout du web.

Bernard Marti: Alors que ce n'est qu'un dessert.

Bernard Marti: Le web est un service d'internet et l'internet n'est qu'un réseau.

Bernard Marti: Et donc la concurrence était entre internet et Transpac, pas entre internet et le Minitel.

Alexandre: J'ai cédé à la facilité et j'ai mis en parallèle Internet et le Minitel, et notre invité a bien fait de me reprendre.

Alexandre: Par ailleurs, il fait bien aussi de rappeler la différence entre Internet et le web, à savoir qu'Internet, c'est le réseau, et que ce réseau permet plein d'applications, comme envoyer des mails, télécharger en paire à paire, et naviguer sur le web, donc consulter des pages de contenu, voilà pour la brève définition.

Alexandre: Mais donc si on revient au Minitel, c'est dans les années 90 que le web commence doucement à s'installer dans les foyers.

Alexandre: Et puisque le Minitel c'est donc une machine et pas un réseau, je me demande, est-ce qu'on s'est posé la question de connecter le Minitel à internet ?

Alexandre: Et pourquoi pas le faire interagir avec le web ?

Bernard Marti: Alors, il y a des webphones, il y a eu des webphones, j'en ai un chez moi.

Bernard Marti: Donc il y a eu des terminaux qui recevaient par internet des pages.

Bernard Marti: Il y a eu des serveurs à noire aux normes militaires sur internet.

Bernard Marti: Et il y a eu une tentative effectivement qui a avorté, mais qui a existé.

Guglielmo: Aujourd'hui, nous savons que ces tentatives ont échoué parce que le web s'est imposé comme la seule infrastructure.

Guglielmo: Il n'y avait pas de place pour autre chose.

Guglielmo: Mais voyons comment Bernard Marty a vécu l'arrivée de ces fameux web.

Bernard Marti: En 90-92, quand le web est apparu, ça n'était déjà plus mon sujet de travail principal.

Bernard Marti: Ça était passé au niveau industriel, au niveau déploiement.

Bernard Marti: Donc j'étais beaucoup plus neutre vis-à-vis de ces changements de technologie.

Bernard Marti: Par contre, on a vraiment senti dans les années 97-98 que le virage était inévitable.

Bernard Marti: Alors je peux vous expliquer comment.

Bernard Marti: on avait un contrat avec les Chinois pour faire du Minitel chinois.

Bernard Marti: En 1996, on a travaillé à Pékin pour former les ingénieurs des télécoms chinoises.

Bernard Marti: Et puis tout de suite après, une première expérimentation, c'était terminé.

Bernard Marti: Donc on a vu ce virage.

Bernard Marti: Mais par contre, les technologies qu'on a développées avec les Chinois ont été utilisées par eux sur Internet.

Bernard Marti: La technologie de saisie à partir d'un clavier ayant le nombre de touches du clavier AZERTY classique pour saisir des caractères chinois, elle avait été créée pour faire ce Minitel chinois.

Bernard Marti: Donc ce n'était pas une perte complète de savoir-faire.

Bernard Marti: Mais le réseau, c'était fini.

Intro: AZERTY !

Alexandre: Faisons écho à ce que nous disait notre invité plus tôt sur la volonté politique industrielle de la France qui n'existe plus.

Alexandre: Pendant l'interview, quand il nous parle de ça, je ne peux pas m'empêcher de penser à Dailymotion, le YouTube français qui, à l'époque, avait le potentiel de tenir tête aux géants américains.

Alexandre: L'histoire du Minitel, j'ai le sentiment qu'elle est similaire, que quelque part, il y a eu un manque de soutien au Minitel et à Transpac pour faire face à l'arrivée d'internet et du web dans les foyers.

Alexandre: Mais je pense que Bernard expliquera mieux que moi ce qui a conduit à la chute du Minitel.

Bernard Marti: Je veux dire que la privatisation et la libéralisation du monde des télécoms a permis, disons, à donner la préférence à la concurrence d'internet.

Bernard Marti: On aurait très bien pu faire du web sur Transpac et on aurait eu un système beaucoup plus sécure, beaucoup moins piratable que le réseau internet.

Bernard Marti: Par sa structure, le réseau internet est facile à pirater.

Bernard Marti: Par sa structure de circuit privé virtuel,

Bernard Marti: de Transpac, il était beaucoup plus compliqué de le pirater.

Bernard Marti: Bon, c'est pas le bon choix qui a été fait, de ce point de vue-là en tout cas.

Bernard Marti: Au point de vue de la cyber défense, je vous garantis que ça aurait été complètement différent aujourd'hui.

Bernard Marti: Bon, on a perdu ça, donc après il n'y a pas eu la volonté des PTT de transférer le vidéotexte sur internet et ça a fini par stagner, oui.

Guglielmo: Humainement, ce qui me frappe chez Bernard Marti, c'est qu'il nous parle de la chute de sa technologie, de son invention pourtant importante, de son bébé, avec sérénité et un grand sourire.

Guglielmo: Comme si l'échec de Minitel n'était pas un problème en soi, parce que l'important est dans tout le reste de l'histoire.

Guglielmo: Mais si j'essaie de me mettre à sa place, je me dis qu'il a dû avoir un moment, un anecdote, un moment précis dans le temps, qui lui a fait dire en son intérieur, ah, donc les Minitel c'est fini et l'avenir c'est les web.

Guglielmo: Eh ben voyons avec Bernard.

Bernard Marti: En 1995, ma fille passait sa maîtrise.

Bernard Marti: Et sa maîtrise, c'était l'établissement d'une base de données des Saint-Bretons consultable par Internet.

Bernard Marti: J'ai travaillé avec elle un petit peu quand même.

Bernard Marti: J'ai aidé à fond.

Bernard Marti: Ma fille a commencé à faire des bases de données éventuellement consultables sur Internet.

Bernard Marti: plus tard consultable sur Internet, elle avait 10 ans.

Bernard Marti: Le web a démarré assez lentement, en tout cas en France, mais même dans le monde.

Bernard Marti: Nous, on a eu à la fois la chance et la malchance que les usagers des services de texte sur écran étaient déjà formés à cet usage, le clavier, l'écran, les requêtes, etc.

Bernard Marti: Bien avant, nos voisins

Bernard Marti: dont les systèmes vidéothèques avaient déjà périclité avant le début des années 90.

Alexandre: Du coup, par une ergonomie technique, presque, le clavier, l'utilisation d'écran et tout ça, vous avez presque facilité l'adoption du web ?

Bernard Marti: Oui, à la fois on a permis la survie du Minitel pendant un certain temps, parce que pour avoir le web, il fallait avoir un ordinateur, qui n'était quand même pas gratuit, et donc il y a eu un certain décalage par rapport aux pays étrangers qui n'avaient pas cette possibilité, dont les usagers n'avaient pas cette possibilité.

Bernard Marti: Il y a eu ce décalage qui a été dénoncé par la presse en maintes occasions.

Bernard Marti: Mais en même temps, il y a eu ensuite une facilité d'adoption à partir du moment où le prix des ordinateurs domestiques devenait abordable pour le grand public.

Bernard Marti: L'adoption était beaucoup plus rapide parce que l'usage existait déjà.

Guglielmo: Si on s'arrête à réfléchir à la vitesse à laquelle nous avons appris à utiliser un clavier et un souris, à changer radicalement notre façon de communiquer, c'est assez impressionnant.

Guglielmo: Et le fait qu'à l'époque, les français avaient un léger avantage donné par les Minitel, aujourd'hui j'ai l'impression que ça ne se ressent plus, non ?

Guglielmo: Mais il ne reste pas moins que les Minitel restera dans les livres de l'histoire de la technologie, comme l'un des premiers exemples de terminaux permettant l'accès au réseau de communication à grande échelle.

Guglielmo: Et à propos d'histoire,

Guglielmo: Dans son laboratoire, avait-il conscience de contribuer à un moment important historique du développement de la société numérique ?

Bernard Marti: Non.

Bernard Marti: Bon, on était des techniciens et un certain nombre d'informaticiens.

Bernard Marti: Dans l'informatique, une technologie, ça dure dix ans.

Bernard Marti: Déjà à l'époque.

Bernard Marti: Déjà à l'époque, on parlait des générations d'ordinateurs, générations de systèmes d'exploitation.

Bernard Marti: Les grandes études de l'époque, c'était de trouver une architecture de l'informatique qui permettait de limiter la casse quand on changeait de génération, garder constante ce qui ne bougeait pas, et puis ne développer que

Bernard Marti: que l'innovation particulière sur une couche qui était indépendante et qui avait simplement des interfaces avec les couches au-dessus et les couches au-dessous.

Bernard Marti: Donc bon, dix ans c'était déjà beaucoup et ça a duré trente ans.

Alexandre: Pendant 30 ans donc, l'invention de Bernard Marti et de son équipe a pris place dans les foyers français.

Alexandre: Cette machine qu'on peut juger un peu austère avec des yeux habitués au smartphone et autres gadgets toujours plus impressionnants, a quand même marqué l'histoire des télécommunications.

Alexandre: C'est en 2012 que le réseau Transpac s'est arrêté, rendant le Minitel largement obsolète, sauf pour quelques bidouilleurs qui s'amusent encore à le connecter à internet et à lui trouver de nouveaux usages.

Alexandre: Pour notre invité à 82 ans, cette histoire, elle est derrière lui.

Alexandre: Mais en off, en discutant un peu, vient la question des usages quotidiens du numérique.

Alexandre: Et là, on sent que la passion est toujours là.

Alexandre: L'ancien de l'ORTF nous parle avec enthousiasme des logiciels de montage récents ou de la façon dont il gère sa bibliothèque grâce à des bases de données.

Alexandre: En terminant cette émission avec tout ça, on se disait que ça faisait sens de donner la parole à l'ingénieur en chef derrière le Minitel pour jeter un regard sur le monde numérique d'aujourd'hui.

Bernard Marti: Je pense qu'il y a un abus d'usage de ce monde numérique qui élimine l'humain des circuits de communication.

Bernard Marti: Et ça, ce n'est pas ce qu'on voulait.

Bernard Marti: Bien sûr, on voulait permettre aux humains d'accéder plus facilement à des informations, à la connaissance.

Bernard Marti: C'était un côté qu'on pourrait appeler Wikipédia aujourd'hui.

Bernard Marti: pas le fait de remplacer l'interlocuteur humain par une machine qui, en plus, vous demande de prouver que vous n'êtes pas un robot.

Bernard Marti: Donc, oui, il y a un abus considérable de numérique au niveau sociétal qui, à mon avis, est catastrophique et va conduire à des catastrophes sociales.

Bernard Marti: Ce n'est pas quelque chose qu'on voulait, non.

Bernard Marti: Je suppose que quand Marie Curie a découvert l'usage de la radioactivité, elle ne s'attendait pas à ce qu'on fasse des bombes avec.

Alexandre: Evidemment, après coup, Bernard Marti me dira qu'il ne se comparaissait pas à Marie Curie, c'était pour la formule.

Alexandre: En attendant, libre à chacun de trouver résonance ou pas avec ses conclusions.

Alexandre: Un grand merci à lui pour avoir accepté de répondre à nos questions.

Alexandre: On a particulièrement apprécié faire cette émission, donc on espère que ça vous a plu également.

Alexandre: Si c'est le cas, n'hésitez pas à vous abonner au podcast, à nous laisser des étoiles et des commentaires, ça nous aide beaucoup.

Alexandre: Et si vous nous écoutez sur Radio Grenouille, venez faire un tour sur le podcast, on y propose des épisodes un peu plus longs.

Alexandre: Merci d'avoir écouté, à bientôt !

Alexandre: AZERTY !
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Créateurs et invités

Alexandre Allain
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Alexandre Allain
Développeur Front-End, j'explore la société numérique en podcast et à la radio depuis 2017.
 Guglielmo Fernandez Garcia
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Guglielmo Fernandez Garcia
Je bricole des IA, mais j'aime aussi la vulga et les sciences sociales
Et si le Minitel avait permis un autre Internet ? Avec Bernard Marti
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