Anatomie de l'obsolescence : pourquoi nos appareils meurent si vite ? avec Edlira Nano de Limites Numériques
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Guglielmo: Lorsqu'on évoque l'obsolescence, on pense souvent à l'obsolescence programmée, un terme popularisé au début des années 2010 pour désigner les défaillances volontaires intégrées à certains objets du quotidien, comme les ampoules ou les imprimantes.
Guglielmo: Conçues pour n'être pas durées, ces produits nous obligent ainsi à les remplacer régulièrement, entretenant un cycle de consommation sans fin.
Alexandre: Si l'on entend par obsolescence le moment où un objet devient inutilisable, alors une question s'impose.
Alexandre: A partir de quand juge-t-on qu'un objet ne sert plus à rien ?
Alexandre: En réalité, poser cette question revient à interroger notre rapport à la consommation, au remplacement, et à ce que l'on considère comme dépassé.
Alexandre: Et s'il y a bien un objet technologique qui cristallise toutes ces interrogations, c'est bien le smartphone.
Guglielmo: Dans un monde aux ressources finies, penser, questionner, critiquer nos tendances à renouvellement incessant de nos outils technologiques est nécessaire.
Guglielmo: Mais comment cette tendance à renouvellement, justement, s'est-elle construite ?
Alexandre: Pour répondre à cette question et comprendre ce qui, techniquement, fait des smartphones, des objets conçus pour être sans cesse renouvelés, on a interrogé Edlira Nano, chercheuse doctorante en écologie numérique au sein de l'équipe de recherche Limites Numériques.
Guglielmo: Ceci est un projet de recherche, un design, qui vise à mettre en évidence l'impact environnemental du numérique, à travers ses usages et sa conception, pour penser un numérique respectueux des contraintes paléontaires.
Guglielmo: Et dans sa thèse, Eda s'intéresse à l'obsolescence numérique, et plus particulièrement à celle des logiciels présents dans nos terminaux de poche.
Intro: Ok, je lance AZERTY.
Alexandre: Petit préambule sur le smartphone.
Alexandre: Je pense qu'on est tous en capacité de mesurer à quel point l'objet est devenu quasi essentiel dans notre quotidien.
Alexandre: Bénédiction pour les plus technophiles, cauchemar pour d'autres, quoi qu'il en soit, ce constat n'est plus à faire, le smartphone est là, central à nos vies numériques.
Alexandre: Dans ce contexte, la société de consommation nous offre tous les ans la même rengaine, et les constructeurs proposent de nouveaux modèles censés être meilleurs que celui de l'année précédente,
Alexandre: avec un meilleur appareil photo, des nouvelles fonctionnalités, par exemple tous ont intégré l'IA récemment.
Alexandre: Bref, tout cela fait du smartphone l'objet idéal à étudier pour Edlira et l'équipe de Limites Numériques, tant sur l'aspect des discours marketing, des usages que des réalités techniques et logicielles pouvant mener à un abandon de l'objet.
Alexandre: Alors maintenant qu'on a dit tout ça, entrons dans le vif du sujet.
Alexandre: La thèse d'Edlira Nano est sur le smartphone et leur obsolescence.
Alexandre: Mais comment définit-elle l'obsolescence, cette notion qui couvre probablement plusieurs réalités ?
Eda: Définir l'obsolescence, c'est complexe et il n'y a pas une définition qui fait foi et loi.
Eda: Donc ça dépendra un peu des domaines.
Eda: Il y a des domaines très techniques où on va le définir d'une certaine façon.
Eda: Mais disons que pour nous, ce sera un objet qui pourrait encore fonctionner, mais qui pour diverses raisons, soit matériel, soit logiciel, soit tout fonctionne mais on n'a plus envie de l'utiliser parce que l'usage s'avère plus complexe, on ne s'adapte plus à ce que nous on a envie de faire.
Eda: Donc dans tous ces cas-là, on va dire qu'on a une obsolescence de l'objet.
Eda: Pour l'essence, elle peut être technique, c'est-à-dire on peut avoir un téléphone qui a un écran cassé ou un micro cassé.
Eda: Pour quelqu'un, le micro va être très important, pour quelqu'un d'autre beaucoup moins important.
Eda: Donc quelqu'un ne va plus pouvoir l'utiliser, quelqu'un d'autre, oui.
Eda: On peut avoir un objet obsolète dans le sens où il n'est pas réparable.
Eda: C'est-à-dire que si moi j'ai un téléphone avec un micro cassé,
Eda: si je peux le réparer, il n'est pas obsolète.
Eda: C'est-à-dire qu'il est réparable facilement, à un coût pas prohibitif, donc du coup, il n'est pas obsolète.
Eda: Par contre, il n'est pas réparable.
Eda: Les téléphones d'Apple sont connus pour être très très peu réparables, difficilement réparables, ou alors ça coûte très cher, ou alors il faut aller dans des endroits spécialisés.
Eda: Et du coup, si on ne peut pas réparer un téléphone, du coup, il devient aussi obsolète.
Eda: Donc vraiment, l'obsolescence n'est pas juste technique, c'est aussi quelque chose qui est lié à la vie,
Eda: à l'usage qu'on en fait au milieu où on est.
Eda: Donc pour quelqu'un quelque chose va être important, un défaut va être important, pour quelqu'un d'autre non.
Eda: Mais en tout cas, du point de vue économico-marketeux, l'obsolescence est quelque chose qui fait vendre en fait.
Guglielmo: En effet, il n'y a pas toujours un moment où on s'est dit qu'un objet est vraiment cassé.
Guglielmo: Il est donc normal qu'il y ait autant de définitions et qu'il s'agisse d'une notion difficile à définir de manière on évoque.
Guglielmo: Mais le fait qu'il soit central de nous faire acheter de nouveaux produits et l'influence que le marketing a sur notre consommation, c'est là ça me semble un peu le corps de problème.
Guglielmo: Mais dans tous les cas, ces termes si c'est si difficile à définir, d'où il vient ?
Guglielmo: Voyons Eda ce que nous dit.
Eda: Il y a une chercheuse que j'aime beaucoup qui est philosophe qui s'appelle Jeanne Guin.
Eda: Elle, elle a fait une thèse aussi sur l'obsolescence.
Eda: Jeanne Guin va parler de l'obsolescence programmée comme étant quelque chose qui a beaucoup pris en France parce que c'est un peu le fait de découvrir le vice caché, de découvrir la chose qu'on aurait programmée derrière notre dos.
Eda: En fait, il y a quelque chose de passionnant là-dedans et nous on le découvre et on se sent mieux.
Eda: Elle montre que l'obsolescence, elle l'est théorisée dans les théories marketing depuis le début du marketing et de la publicité.
Eda: Dès les années 40, on trouve dans les théories marketing la théorisation de l'obsolescence comme étant un moyen de vente comme un autre.
Eda: Par exemple, on vendrait tous les ans une nouvelle voiture parce qu'elle aurait la nouvelle couleur à la mode.
Eda: Et on a la même chose sur les smartphones ou sur les produits numériques.
Eda: Si on lit Jeanne Guin, on se rend compte que vraiment, la publicité et le marketing ont pour but de rendre les choses obsolètes le plus vite possible.
Eda: C'est comme ça que, par exemple, on va avoir des nouveaux modèles de voitures tous les ans, alors qu'on sait que les voitures, ça ne dure pas qu'une année.
Eda: Et on va avoir aussi des types de voitures différentes, c'est-à-dire plus petites, plus citadines, une voiture pour la ville, une voiture pour la campagne, une voiture pour partir en famille.
Eda: On va inventer des besoins.
Eda: là où il n'y en a pas.
Eda: Et pour les smartphones c'est un peu pareil, on va à la fois ajouter des fonctionnalités à ces objets là, qui au départ étaient là que pour passer des appels, et en fait on se rend compte aujourd'hui qu'il y a plein de gens pour qui le smartphone a un peu remplacé l'usage de l'ordinateur d'antan, le classique, et du coup on va avoir de plus en plus de choses dans le smartphone au point où
Eda: Vraiment, je sais que ça arrive à plein de gens que j'ai connus et peut-être même à moi.
Eda: Il y a des moments où la fonction appel ne marche plus pour une raison ou pour une autre.
Eda: Et pourtant le smartphone reste un objet hautement utilisé et important dans la vie parce que du coup ce n'est pas le seul usage.
Eda: Donc oui, l'obsolescence ça va être quelque chose qu'on va nous induire, nous donner comme modèle de consommation.
Guglielmo: À ce stade de l'entretien, j'ai pris la liberté de soumettre un exemple personnel à Aida.
Guglielmo: Mon téléphone, après 4 ou 5 ans des services, devient de plus en plus lent, et je me retrouve à regarder un écran noir pendant une trentaine de secondes juste pour ouvrir un navigateur.
Guglielmo: Et ça, c'était avant.
Guglielmo: À ce moment qu'on termine les montages, mon portable est allé bien plus loin.
Guglielmo: Il a également commencé à régler les volumes audio disant en autonomie.
Guglielmo: Pendant que je passe un appel, par exemple, les volumes passent de zéro tout seul, j'entends plus rien, puis il remonte, il redescend et ainsi de suite.
Guglielmo: Téléphoner est devenu presque impossible.
Guglielmo: et je trouve un peu ironique qu'il ait choisi les moins où on parle d'obsolescence pour péter un plomb.
Guglielmo: En tout cas, mon envie de le jeter contre le mur ne me semble pas liée à une logique marketing, mais j'ai vraiment l'impression de vivre l'obsolescence en temps réel.
Guglielmo: Du coup, c'est quoi la différence entre l'obsolescence marketing dont on parle et mes impressions, mes expériences ?
Eda: ce n'est pas juste une impression que tu as eue avec ton téléphone qui devient long, les téléphones deviennent plus longs avec le temps, surtout parce que ce qui se passe avec les téléphones c'est qu'on a des nouveaux modèles qui sortent tous les ans, donc des dizaines et des dizaines de modèles par marque, mais en même temps on a une mise à jour du système d'exploitation du téléphone qui se fait à rythme annuel.
Eda: Donc on a dans le monde aujourd'hui deux principaux systèmes d'exploitation, c'est iOS pour Apple,
Eda: et Android sur la plupart des autres téléphones dits Android.
Eda: Donc Android par Google et iOS par Apple.
Eda: Donc du coup tous les ans on va avoir un nouveau système d'exploitation, une nouvelle version on appelle ça.
Eda: Et du coup il faudra à ce moment là soit acheter un nouveau téléphone qui est déjà installé avec ce nouvel système d'exploitation, soit mettre à jour le sien pour pouvoir
Eda: justement éviter un petit peu ce que tu dis qui est le ralentissement.
Eda: Qui vient pourquoi ?
Eda: Qui vient parce que déjà un ancien matériel va avoir tendance à moins bien supporter les nouvelles versions de systèmes d'exploitation qui sortent parce que tous les ans on va faire un système d'exploitation qui est plutôt adapté à de nouveaux matériels qui sont plus puissants, qui a une plus
Eda: de mémoire, qui ont plus de capacités de calcul dans le processeur, qui prennent en charge l'IA ou pas.
Eda: Et ça, ça se fait matériellement et logiciellement.
Eda: Et du coup, si tu mets à jour ton téléphone, tu pourrais te retrouver avec un système d'exploitation un peu plus lourd qui demande plus de ressources pour fonctionner et donc être ralenti.
Eda: Mais la plupart du temps, ce qui se passe, c'est que ces mises à jour là, elles n'ont pas lieu.
Eda: La plupart du temps, c'est que tout l'effort des fabricants, en fait, est mis sur les nouveaux modèles.
Eda: On n'a quasiment pas de mise à jour.
Eda: On a un an, voire max deux ans de mise à jour sur les téléphones Android, par exemple.
Eda: Et ensuite, ils sont abandonnés par les vendeurs.
Eda: Et ce qui se passe, c'est que les nouvelles applis qui vont être mises en place
Eda: qui vont être développées par les développeurs dans le système Android par exemple, elles vont aussi être adaptées à ce nouveau système d'exploitation qui est plus demandeur de ressources, etc.
Eda: Donc elles vont avoir tendance à, elles aussi, consommer plus de ressources.
Eda: On appelle ça le gonflement des logiciels, le bloating en anglais, software bloating.
Eda: Et ça c'est vraiment quelque chose qu'on remarque de façon évidente avec le temps.
Eda: Et du coup ton téléphone qui a été fait il y a 3, 4, 5 ans, aujourd'hui avec les applications qui sont habituées ou demandent par défaut des ressources plus grandes, plus fortes, il va tourner plus lentement.
Eda: Donc du coup il y a ce phénomène un petit peu où on est pris en étau entre mettre à jour ou ne pas mettre à jour.
Eda: C'est un peu être ou ne pas être.
Eda: Si on ne met pas à jour, on a un tas de problématiques, plus d'applications qui sont disponibles pour son système d'exploitation, notamment typiquement les applications de la banque, c'est l'exemple qui revient le plus.
Alexandre: Ce que nous explique là Edlira, c'est que le système d'exploitation de nos téléphones, c'est-à-dire notre interface première, le logiciel principal, il périme assez vite, puisqu'une version sort tous les ans.
Alexandre: Et ces nouvelles versions, elles, sont d'abord conçues pour répondre aux exigences du dernier téléphone sorti.
Alexandre: Et donc, elles peuvent ainsi nuire à l'expérience de modèles trop anciens, qui matériellement n'ont toujours pas la capacité de suivre, de faire tourner correctement le nouveau logiciel.
Alexandre: Finalement, dit comme ça, ça paraît assez évident.
Alexandre: Alors on serait tenté d'être séduit par les discours commerciaux de certains constructeurs comme Apple qui proposent des mises à jour sur le temps long.
Alexandre: Mais même là, il vaut mieux pas se leurrer.
Eda: L'obsolescence chez Apple, elle se joue avec d'autres leviers.
Eda: Elle se joue par exemple sur le fait qu'il y a une réparation très très difficile de ce téléphone.
Eda: Très très difficile tout seul.
Eda: Et que souvent, pour faire réparer le téléphone, ça va coûter presque aussi cher que de passer au modèle suivant.
Eda: aussi un prix vraiment prohibitif, donc ça veut dire que les téléphones d'urabilité c'est pour les riches, c'est ça que ça veut dire quand on va chez Apple.
Alexandre: Aujourd'hui donc on va se concentrer sur les smartphones Android puisque c'est sur ces derniers qu'a principalement travaillé Edliera.
Alexandre: Et donc développons avec elle pourquoi quand on s'intéresse à l'obsolescence Android est particulièrement intéressant.
Eda: Dans ma thèse qui porte sur l'obsolescence numérique en général, j'ai voulu étudier les smartphones parce que c'est un objet hautement obsolète qui est remplacé très très souvent, qui est quasi un objet jetable en fait.
Eda: Et j'ai étudié Android parce que c'est un écosystème un peu plus complexe et qui me posait beaucoup plus de questions qu'Apple où finalement Apple c'est un peu le grand dictateur qui a tout en main et qui règle tout de l'obsolescence jusqu'à la fabrication, jusqu'à l'obsolescence programmée au détail près.
Eda: Alors qu'Android c'est un écosystème
Eda: fait avec plein d'acteurs, vraiment un système très riche d'acteurs et dans lequel on a plusieurs problématiques qui rentrent en compte et que moi je voulais découvrir pour voir où se loge en fait ce qui fait l'obsolescence des téléphones Android.
Eda: Ce que j'ai étudié c'est un peu comment est développé Android, donc quels sont les différents acteurs, quelle est leur place, qu'est-ce qu'ils font et ensuite comment est-ce que sont prises en charge la maintenance, la mise à jour des systèmes
Eda: par les différents acteurs et en fait je me suis rendu compte qu'il y a en fait déjà une problématique d'ouverture non ouverture d'Android c'est à dire que Google depuis le début dit Android c'est un système open source donc ça s'appelle même AOSP Android open source project open source source ouverte
Eda: Depuis le début ils promotent ça comme étant quelque chose d'ouvert, ouvert à tout le monde pour que tout le monde puisse en profiter en écosystème riche ou que ce soit les vendeurs de téléphones vont pouvoir en profiter parce qu'ils vont pouvoir fabriquer des téléphones et les vendre sous système Android.
Eda: La première chose que je me suis rendue compte c'est que l'Android AOSP est un système fictif, c'est à dire qu'il n'est pas installable.
Eda: si tu veux sur un téléphone.
Eda: Donc sur n'importe quel téléphone qu'on a en main Android, ce n'est pas AOSP qu'on a dessus, mais c'est quelque chose de beaucoup plus complexe qu'AOSP et qui a des couches logicielles et des couches dans le noyau du système qui font que c'est adapté vraiment à ce téléphone-là et pas à un autre.
Guglielmo: C'est là que l'histoire commence à se compliquer un peu.
Guglielmo: Si je comprends bien, Android est censé être open source, ce qui signifie que le code est accessible à tous et toutes.
Guglielmo: Mais la version spécifique que nous avons entre les mains ne l'est pas.
Guglielmo: Au fait, Eda nous parle de noyau, et ceci est la partie la plus profonde de nos machines numériques.
Guglielmo: C'est le code qui fait communiquer toutes les pièces.
Guglielmo: Par exemple, il permet à une application d'avoir accès au microphone, à la mémoire, etc.
Guglielmo: Le fait qu'Android soit open source devrait signifier que tant que de personnes y travaillent dessus, les codes sont maintenus en vie.
Guglielmo: Et donc, ça amène à moins d'obsolescence.
Guglielmo: Mais apparemment, l'intervention de beaucoup d'acteurs privés, dont Google, qui ajoutent des morceaux, transforme Android jusqu'à un point qu'il soit difficile de le maintenir sur le long temps.
Guglielmo: Bon, moi tout ça, ça me semble un grand désordre et que cette histoire ne soit pas trop bien organisée.
Guglielmo: Et du coup, je demande à Eda un peu plus d'explications.
Guglielmo: Attention, ça va devenir technique, mais suivez-nous, Eda va tout expliquer.
Eda: Il y a un noyau Linux ouvert, libre, qui est à la base d'Android.
Eda: Le noyau Linux étant un peu celui qui est un peu à la base aujourd'hui de tous les systèmes d'exploitation libre que nous connaissons.
Eda: Aujourd'hui, le web est servi par des noyaux Linux sur lesquels reposent des systèmes d'exploitation libre.
Eda: Android aussi, Android AOSP, en théorie, est basé sur un noyau Linux.
Eda: que Google prend et qui dit au vendeur ça, ça va être le noyau Linux sur lequel on va se baser pour la prochaine version d'Android, pour les prochaines versions d'Android.
Eda: Je l'ai un peu modifié, donc déjà Google modifie des choses tout en le laissant libre, il est obligé parce qu'il y a une licence
Eda: qu'il oblige à rester libre.
Eda: Donc il ajoute quelque chose déjà à Google et après il dit au vendeur, au manufactureur du téléphone en gros, le fabricant du téléphone, il lui dit maintenant tu le prends et tu ajoutes tes couches propriétaires qui vont faire en sorte qu'il va marcher sur un téléphone précis parce que sinon il ne marchera pas du tout.
Eda: Et du coup, Qualcomm le prend, puisque Qualcomm c'est celui qui fait la pièce maîtresse qui est le soc.
Eda: Qualcomm le prend et fait son noyau, que moi dans mon papier j'ai appelé Frank N. Kernel, parce que c'est un noyau Linux, base de noyau Linux, mais qui est complètement dénaturé.
Eda: Beaucoup de codes propriétaires, on ne sait pas trop ce qu'il fait.
Eda: Et du coup, ce Frankel-Kernel là, va dans les mains du vendeur,
Eda: de téléphone qui lui va ajouter des couches de code propre à l'écran par exemple qui peut être différent d'un téléphone à l'autre, propre à la gestion de l'antenne wifi ou de telle ou telle chose du bus usb, du bloc d'alimentation etc.
Eda: Donc du coup le manufactureur aussi va ajouter sa couche, va avoir Google qui va faire le système d'exploitation,
Eda: qui va aussi ajouter sa couche de logiciels propriétaires avec les services propriétaires dont je parlais tout à l'heure.
Eda: Donc tout ce monde là va ajouter sa couche propriétaire dans un système qu'on ne peut pas désinstaller.
Eda: Et au final quand il va falloir mettre à jour le noyau Linux, il est mis à jour quasi tous les mois.
Eda: Tous les ans sort une version majeure qui est la version qui est prise d'Android du noyau Linux.
Eda: À ce moment-là, il faudrait que le fabricant Qualcomm prenne la SOC, la mette à jour, etc.
Eda: Le donne aux vendeurs qui fassent ensuite sa mise à jour dans les couches qu'il a ajoutées, le donne à l'opérateur téléphone immobile, que Google fasse sa part, etc.
Eda: Or, la plupart des vendeurs, que ce soit Qualcomm, que ce soit Samsung, etc., leur intérêt
Eda: Ce n'est pas de mettre à jour un vieux modèle, de mettre de l'argent pour faire cette mise à jour-là.
Eda: Donc du coup, ce qu'ils vont faire, c'est plutôt mettre cet argent-là sur le nouveau modèle qui est dans le marché.
Eda: Et même mettre à jour et maintenir un vieux téléphone, c'est contraire à leur politique de vente qui veut qu'on vende plutôt le nouveau modèle.
Intro: AZERTY
Alexandre: A la base, on part de quelque chose de libre et donc utilisable et modifiable par tous.
Alexandre: Mais avant d'intégrer le moindre téléphone, ce noyau passe par Google et par de nombreux acteurs qui ajoutent du code propriétaire, et ça, ça rend considérablement difficile la mise à jour.
Alexandre: On n'a pas eu le temps de demander à notre invité, mais j'imagine que c'est ce qui explique en partie que lors de l'achat d'un téléphone, on se retrouve toujours avec cette flopée d'applications préinstallées, souvent inintéressantes, et qui finiront dans un dossier caché puisqu'on ne peut pas les désinstaller.
Alexandre: Dans ces applications d'ailleurs, on retrouve très souvent des applis Google.
Alexandre: Et c'est normal puisque c'est l'acteur le plus intéressant de ce cycle-là des nombreuses couches.
Alexandre: De ce que je comprends, c'est un peu lui qui ajoute la couche principale.
Alexandre: Alors que trouve-t-on dans ce que Google ajoute ?
Alexandre: Qu'est-ce qu'il y met ?
Alexandre: Et pourquoi faire ?
Eda: Et on a évidemment la couche Google, qui est une couche très importante, parce que c'est là où on va avoir une momie très forte de Google.
Eda: Et moi j'avais fait ce test où Google, ce qu'il va ajouter à la couche AOSP, donc la couche ouverte, ça va être toutes ces applications connues, qui sont Google Mail, Google Search, Google Chrome, Google Play Store, mais aussi des librairies invisibles, vraiment des bibliothèques invisibles, on appelle ça bibliothèque, librairie en informatique, mais en gros c'est des applications
Eda: mais qui sont importantes pour tout le système, qui peuvent servir à différentes applications du système par exemple.
Eda: Et ces applications-là, ces librairies-là de Google, c'est elles qui vont faire à la fois en sorte qu'on puisse recevoir par exemple des messages en temps réel,
Eda: qu'on puisse recevoir des mails en temps réel, qu'on puisse recevoir des notifications en temps réel.
Eda: Et la plus connue de ces librairies-là, c'est les Google Mobile Services ou le Google Play Services, donc à ne pas confondre avec le Google Play Store, qui eux vont devenir une couche très très importante de tout le système.
Eda: Et moi j'ai essayé de désactiver, avec mes petites méthodes de hackeuse, ces services-là dans mon téléphone tout neuf, enfin tout neuf c'est-à-dire réutilisé, que j'avais acheté d'occasion, qui était un Fairphone 3, mais qui venait du coup avec son système tout neuf d'origine, qui était un système googlisé.
Eda: En sachant que Fairphone est un des fabricants les plus éthiques et qui va faire le plus de mises à jour aujourd'hui dans le monde, donc c'est pas pour jeter la pierre que sur Fairphone, mais comme tout le monde, il va passer un accord avec Google qui consiste à mettre les applications et les services propriétaires de Google sur son téléphone Android.
Eda: Et en désactivant les GPS, les Google Play Services, je me suis rendue compte que j'ai eu, en fait, c'était comme si la catastrophe arrivait sur mon téléphone.
Eda: Toutes les applications l'une après l'autre se sont mises à dire attention vous avez désactivé les GPS, votre application contact, votre application téléphone, votre application chronomètre risque de ne pas marcher.
Eda: sans ces services là.
Eda: Or l'application chronomètre a priori elle n'a pas besoin d'aller sur le net et de se connecter à quoi que ce soit pour marcher.
Eda: Donc moi je suis sûre qu'elle marchait quand même et je l'ai testé un petit peu, elle marchait.
Eda: Mais c'est une façon en fait de rendre dépendant tout le système que Google a mis en place petit à petit avec ces services là.
Eda: Donc du coup
Eda: GPS c'est aussi, il faut voir, c'est aussi les services qui font le tracking des données personnelles des personnes et qui injectent la pub aussi.
Eda: C'est ces services là qui font les deux et qui à la fois rendent des vrais services qui sont les notifications, les messages push, des services de localisation importants pour le téléphone et qui sont importants pour tout le système.
Eda: Donc ça rend des services et en même temps ça rend service à Google pour ce qui est son modèle économique qui est notre captation de données et l'injection de publicité.
Guglielmo: Avant de discuter avec elle, j'ai toujours pensé que l'obsolescence était un problème technique.
Guglielmo: Mais en fait, c'est plutôt ce qu'on appelle un problème sociotechnique.
Guglielmo: Ce n'est pas seulement une question du code, mais de l'organisation de l'écosystème autour d'un druide, de la façon dont les êtres humains s'organisent.
Guglielmo: Et dans cette organisation, il y a un acteur, Google, qui, pour ses propres intérêts, organise et bloque un peu la maintenance.
Guglielmo: Et ces problèmes se retrouvent alors entre nos mains, avec des téléphones qui baillissent super vite.
Guglielmo: Bon, pour être tout à fait honnête, je trouve cela en même temps absurde et intéressant.
Guglielmo: Mais d'un point de vue de l'utilisation des usagers, moi, j'ai des choix.
Guglielmo: Soit je suis Google, soit je suis Apple.
Guglielmo: Et Eda nous a expliqué comment les deux ont des problèmes.
Guglielmo: Alors bon, comment sortir de cette impasse en tant que moi dans mes choix de consommation ?
Guglielmo: Et surtout, comment faire si on n'est pas technophile, bricoleur, hacker ?
Guglielmo: Parce que moi, même moi, je ne sais pas trop comment hacker mon portable.
Eda: C'est très difficile aujourd'hui pour les utilisateurs parce que c'est un vraiment comme je le disais tout à l'heure c'est un système c'est des systèmes très verrouillés donc très difficile techniquement d'arriver à libérer des choses mais il y a quand même quelques petits trucs qu'on peut faire donc déjà il faut pas culpabiliser parce qu'on a tous et toutes les usages qu'on nous a imposés et on a une vie sociale et on a plein d'autres trucs à faire et si on est obligé d'avoir sa famille sur whatsapp ben on va pas pouvoir enlever whatsapp et c'est pas du tout ce que nous on dit dans les ateliers on dit pas enlever whatsapp
Eda: Mais on peut commencer un petit peu à regarder quels sont les téléphones qui promettent un peu des mises à jour plus fortes.
Eda: Par exemple, on a Fairphone aujourd'hui qui promet des mises à jour assez fortes.
Eda: On peut toujours trouver des Fairphone d'occasion.
Eda: C'est aujourd'hui un des téléphones qui promet le plus de mises à jour jusqu'à 7 ans pour le Fairphone 3.
Eda: On a promis 5 ans pour le 4 et le 5 il me semble, mais on va aller au-delà si jamais c'est possible.
Eda: Et je pense qu'ils vont y arriver.
Eda: Et ensuite, si on est un peu technicien, je conseille vraiment d'aller voir du côté de Lineage OS ou de Lineage OS pour Micro G. Micro G étant un petit projet libre super intéressant.
Eda: qui arrivent à faire en libre tous les services Google dont je parlais tout à l'heure, Google Play Service par exemple, ils ont réussi à l'implémenter en libre sans avoir le tracking data et la pub Google et sans passer par Google.
Eda: Et aussi je conseillerais d'aller dans ce qu'on appelle nous les GUL, les groupes d'utilisateurs logiciels libres ou les install parties à côté de chez soi.
Eda: Il y a l'agenda du libre.org qui recense tous les événements autour de chez soi
Eda: où on peut aller découvrir des logiciels libres et là on a de l'aide en général peut-être pas pour installer tout un système sur son téléphone parce que souvent on n'est pas prêt à passer direct à cette étape là mais à connaître un peu des alternatives par exemple comment utiliser YouTube sur son téléphone en mode anonyme mais en ayant toutes les habitudes qu'on a avec YouTube il y a une application qui s'appelle Newpipe
Alexandre: En préparant cette émission, on a fait un peu le constat que l'obsolescence, les bugs, les ralentissements, on n'y échappera pas si on ne veut pas changer de téléphone tous les ans.
Alexandre: D'ailleurs, le groupe de recherche de notre invité, Limites Numériques, a publié une étude sur le sujet, dans laquelle on apprend que 42% des gens en France vivraient avec un smartphone dysfonctionnel.
Alexandre: On vous met l'étude en description du podcast.
Alexandre: Alors finalement, je crois bien qu'on s'habitue un peu à tout ça vivre avec un numérique, peut-être pas aussi parfait que le promettent les publicités.
Alexandre: Quand on parle de tout ça à Edlira, l'une des premières choses dont elle nous parle, c'est qu'il en ressort une certaine esthétique du dysfonctionnement.
Alexandre: Et je ne m'attendais pas à ce qu'elle nous réponde dans ce sens.
Eda: Je pense que c'est même une esthétique qu'on devrait plus mettre en avant.
Eda: C'est un peu l'esthétique du hacker, de prendre quelque chose, de le détourner et de faire en sorte que je puisse quand même l'utiliser et je puisse quand même en tirer quelque chose d'agréable.
Eda: C'est le mouvement punk aussi, il est basé dessus, genre je prends quelque chose, je le détourne, je prends des vêtements cassés, troués, etc.
Eda: Et je les mets quand même et je les revendique comme une façon d'être.
Eda: Donc vraiment, je trouve ça vraiment chouette qu'on puisse faire ça, qu'on le revendique et qu'on puisse continuer à le faire.
Eda: C'est presque une sorte de rébellion et de façon de faire face à cette promotion de produits léchés, épurés, qui fonctionneraient parfaitement à tout moment, etc.
Eda: Donc du coup oui, c'est les travaux.
Eda: Il y a tout un mouvement aussi dans la recherche qui s'intéresse à ça avec Nicolas Nova et aussi le travail de Léa Mosesso dont je parlais, qui a fait une BD sur tous les dysfonctionnements et l'obsolescence, les chemins de l'obsolescence, ça s'appelle son papier.
Eda: et sa BD qui montre comment on fait et comment on peut faire très longtemps avec des smartphones dysfonctionnels.
Eda: À part revendiquer ça et mettre ça en avant pour montrer qu'on n'est pas leurré par tout ce marketing et par toute cette technologie léchée qu'on nous vend,
Eda: Il faut quand même qu'on revendique des produits qui nous ressemblent plus et qui sont plus faits pour nous, avec nous, etc.
Eda: Et donc il y a tout un mouvement des makers et tout un mouvement aussi féministe qui essaye de réfléchir à nos usages numériques qui nous ont été imposés.
Eda: et de les calquer sur nos envies, nos besoins, et surtout faire en sorte qu'on arrête les méfaits, ne perdant pas de vue que tout ça, l'obsolescence, ça crée à la fois des dégâts environnementaux, mais à la fois ce numérique-là qu'on nous impose crée des discriminations diverses et variées, crée des problématiques qui aujourd'hui sont au cœur des mouvements féministes et des mouvements du care et du soin.
Eda: Donc à la fois prendre soin de nous-mêmes, il s'agit aussi de faire un numérique autrement, donc faire avec ce qu'on a et qui ne marche pas, mais aussi faire autrement et apprendre à faire autrement entre nous et revendiquer le fait qu'il faut qu'on ait des régulations, des législations fortes pour qu'on puisse avoir cet espace pour faire autrement et pour un petit peu contrer ce numérique dominant aujourd'hui.
Guglielmo: Jennifer, Félix, Mathilde et d'autres.
Guglielmo: De plus en plus souvent, quand nous demandons des voies de sortie des problèmes de numérique d'aujourd'hui à nos invités, les mots féminisme semblent être au centre.
Guglielmo: Et je dois admettre que ça m'effacine de voir apparaître naturellement ces sujets comme ça.
Guglielmo: Par contre, lorsqu'on pense au féminisme, les numériques n'est pas vraiment la première chose qui nous vient à l'esprit, n'est-ce pas ?
Guglielmo: À Azerti, on n'a jamais pris le temps de creuser un petit peu le sujet.
Guglielmo: Du coup, cette fois-ci, à la place de relancer Eda sur l'obsolescence, on a eu envie de poser la dernière question sur ça.
Guglielmo: Quel élément de féminisme résonne si fort avec les numériques ?
Guglielmo: Quels sont les liens entre la technocritique et le féminisme ?
Eda: Il y a vraiment un mouvement féministe dans le numérique très fort et qui est un peu underground malheureusement comme souvent les mouvements féministes mais peut-être encore un peu plus dans le numérique et qui consiste par exemple à avoir déjà des espaces hackerspace transféministes ou féministes un peu partout et du coup il y a tout un savoir-faire comme ça d'espaces où
Eda: les féministes se rencontrent pour pouvoir faire autrement, pour faire des serveurs par exemple féministes où elles hébergent elles-mêmes leurs propres services.
Eda: Donc à la fois dans une démarche de protection, mais à la fois on se rend compte dans ces hackerspace, ces mouvements féministes, qu'il y a eu des nouveaux usages et de nouvelles façons de faire qui sont nées avec toujours ce point de vue critique sur les discriminations, les laissés-pour-compte, les problématiques du numérique dominant.
Eda: et la mise en place de techniques pour se protéger, mais à la fois pour faire autrement.
Eda: On aura tout un tas de systèmes comme ça, intéressants, qui font partie de ce qu'on appelle le "Care", mais aussi les systèmes communautaires, voire le numérique comme des communs numériques et des biens communs pour tous et pour toutes.
Alexandre: C'était une interview d'Edlira Nano qu'on aura surnommée parfois Eda pendant l'interview, vous l'aurez compris.
Alexandre: Merci à elle pour son temps et sa pédagogie sur un sujet peut-être un peu plus technique que d'habitude.
Alexandre: On vous invite à découvrir son travail et celui de toute son équipe sur le site web limitenumérique.fr.
Alexandre: Si cet épisode vous a plu et que vous nous écoutez en podcast, n'hésitez pas à nous laisser des étoiles, des commentaires, ça nous aide beaucoup.
Alexandre: Et si vous nous écoutez sur Radio Grenouille, venez faire un tour sur le podcast, on y propose des épisodes parfois un peu plus longs.
Alexandre: Sur ce, merci d'avoir écouté et à bientôt !
==/ Sous-titres générés avec IA (Whisper), editing et proofing par Guglielmo Fernandez Garcia /==
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